Didier Bezace a toujours aimé adapter des textes qui n’étaient pas destinés au théâtre. On comprend ce qui l’a attiré dans « le Cas Sneijder » (1), le roman de Jean-Paul Dubois, une histoire terrible et terriblement drôle – c’est la marque de l’écrivain.
Un homme est le seul rescapé d’une chute d’ascenseur, dans laquelle sa fille a perdu la vie. Depuis, il étudie obsessionnellement les mécanismes et développe des raisonnements sur la verticalité. Il ne sortira de son enfermement que pour accepter de promener des chiens. Sa femme, carriériste brillante, a honte et le bouscule. Sneijder sortira-t-il jamais de cette spirale ? Dans le rôle-titre du personnage las, opaque, lucide, sarcastique, Pierre Arditi est très émouvant. La distribution est bonne, mais manquent les occasions de rire vraiment. Il y a quelque chose de déprimé dans ce spectacle. Une tension, une vigueur, une joie sont à retrouver.
La nouvelle pièce de Marie Ndiaye est le fruit d’une commande. « Honneur à notre élue » (2) est une fable sur fond d’élections municipales dans une petite ville de province. « Notre élue » contre « l’opposant ». Isabelle Carré face à Patrick Chesnais. Il va manœuvrer pour la déstabiliser. Elle ne réagit pas à son stratagème et sera battue. Autour, on se dispute faveurs et coups tordus. C’est court comme argument, lourd comme écriture, plombant comme mise en scène. Isabelle Carré est abandonnée à la solitude du personnage. Les micros n’arrangent rien. Le décor démesuré, les éléments inutiles – son, musique, vidéo –, tout pèse. Seul Patrick Chesnais s’en tire. Mais quel ennui !
Cadiot l’écrivain, Lagarde le metteur en scène, Poitrenaux l’interprète : avec « Providence » (3), le trio récidive des années après le miracle du « Colonel des zouaves » et d'« Un mage en été ». Hélas, le recours à la sophistication hallucinante du dispositif, avec les joujoux de l’IRCAM, ne fait que brouiller la compréhension d’un texte artificiel. On compte 23 personnes, en plus des trois cités, au générique de ce moment qui est sauvé par le talent profond de Poitrenaux.
La parole de Grossman
Moins prétentieux, plus sincère, est le projet de Patrick Haggiag, qui a adapté « Tout passe » (4), de Vassili Grossman, et en confie l’interprétation à Jean Varela, homme que l’on admire beaucoup pour avoir fait du Printemps des comédiens, à Montpellier, le meilleur festival de France et avoir fait de Sortie Ouest, à Béziers, un lieu exceptionnel pour le spectacle vivant. Il est aussi un comédien très sensible, profond et engagé de toutes ses fibres dans la défense de ce que nous dit Grossman (1905-1964), auteur du magnifique « Vie et destin », observateur lucide du stalinisme et de l’Union soviétique.
L’adaptation est dense, copieuse. Cela oblige Varela à aller très vite, ce qu’il fait magistralement. Mais pour le spectateur, il est difficile de suivre les fils différents de l’écriture. Un essai, une analyse et des rencontres qui posent la question de la manière dont on tente de vivre dans la tyrannie et l’absurdité, de l’obstination dans l’espérance. L’adaptation aurait été plus accessible en étant clarifiée et allégée. Demeure un témoignage bouleversant porté par un interprète étonnant.
(1) Théâtre de l’Atelier. Durée : 1 h 40. Tél. 01.46.06.49.24, www.theatre-atelier.com
(2) Théâtre du Rond-Point, jusqu'au 26 mars. Durée : 1 h 40. Tél. 01.44.95.98.21, www.theatredurondpoint.fr
(3) Théâtre des Bouffes du Nord, jusqu'au 12 mars. Durée : 1 h 30. Tél. 01.46.07.34.50, www.bouffesdunord.com. Puis en tournée : Strasbourg du 15 au 25 mars, Amiens du 29 au 31 mars, Clermont-Ferrand du 4 au 7 avril
(4) Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, jusqu'au 19 mars. Durée : 1 h 35. Tél. 01.48.13.70.00, www.theatregerardphilipe.com
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