DANS L’IMMENSE réseau du village global cher à Marshall McLuhan, tout le monde (ou presque) est relié à tout le monde de façon quasi permanente. « La liberté de se connecter est un droit de l’homme », déclarait le 21 janvier 2010 Hillary Clinton lors de l’Internet Forum. Un droit dont nous usons et abusons, comme le montrent tous ces individus qui nous jouxtent dans le métro : le nez collé sur leurs petites machines.
Il en résulte un état addictif dont les manifestations deviennent même dangereuses. L’auteur joue sur le velours en développant ce thème, par exemple en évoquant le nombre d’individus ayant leur portable dans leur lit, la compulsion à vérifier à chaque instant ses mails, ses messages sur Facebook ou son compte Twitter. Tout ceci étant bien résumé par le chercheur américain Ian Bogost : « Le BlackBerry a engendré le tic social le plus visible depuis la cigarette. »
« Internet rend-il idiot ? », se demandait il y a peu le journaliste américain Nicholas Carr (Robert Laffont, 2010), évoquant en particulier la chute d’attention créée par le monstre. Plus profondément, Rémy Oudghiri se penche sur l’« oubli de l’humain » ainsi créé. Nous sommes tellement absorbés par nos machines que les autres ont littéralement disparu de notre champ de vision. En fait, plus on se connecte avec des milliers d’êtres virtuels, moins on passe de temps avec les êtres réels, comme le prouvent nombre d’enquêtes.
La société d’hyperconnexion, c’est être là sans y être. Mais l’intérêt du livre réside dans le fait que l’auteur ne se confond pas avec une banale crise de technophobie finalement assez facile. Il nous peint les tentatives pour se débrancher. Comme celle du blogueur français Thierry Crouzet, victime d’un « burnout numérique (!), qui a tout coupé pendant six mois et avoue avoir réussi à se « réapproprier sa vie ».
Cependant, et c’est là où le livre semble plutôt fragile, les recettes qui sont proposées pour se désintoxiquer donnent un peu dans la confusion : retrouver l’authenticité, méditer, relire Rousseau, savoir lâcher prise, pratiquer la « slow attitude »... Retenons pourtant in fine ce simple conseil de Goethe : « N’oublie pas de vivre. »
Rémy Oudghiri, « Déconnectez-vous ! », Arléa (diffusion Seuil), 205 p., 18 euros.
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