*« La Piele que habito » : au scalpel
Tiré d’un roman policier de Thierry Jonquet, « Mygale », le nouveau film de Pedro Almodóvar ne tient absolument pas debout, mais le cinéaste est un bon montreur d’ours, qui nous ferait accepter n’importe quoi. Le personnage principal est un chirurgien de pointe, spécialiste de la greffe de visage et de peau, qui fait des recherches transgéniques, au grand effroi de ses confrères. La star du bistouri, qui a la stature solide et l’inexpressivité utile d’Antonio Banderas, accumule les malheurs privés. Quand il pense que sa fille a été violée, il prépare une vengeance d’une haute technicité.
C’est bien l’unique sujet du film. Qu’on ne cherche pas un quelconque réalisme, médical ou psychologique, encore moins un message. Almodóvar manie quasi exclusivement les codes du mélodrame et du thriller, pour parler de la passion amoureuse, qui fait fi de l’identité sexuelle. À sa manière : tout est dans les couleurs, les signes, les vêtements, les décors.
Le cinéaste espagnol explique que l’histoire l’a fait penser à Buñuel, Hitchcock, Fritz Lang, aux films d’horreur de la Hammer ou aux films du giallo italien et, bien sûr, au « lyrisme de Georges Franju dans "les Yeux sans visage" ». Puis, affirme-t-il, il s’est rendu compte qu’aucune de ces références ne correspondait à ce qu’il cherchait et il a « décidé de suivre (son) propre chemin et de (se) laisser porter par l’intuition ».
Mais ces références sous-jacentes, même si le style Almodóvar est inimitable, flottent là quelque part et cela fait partie du plaisir que procure son film, qui, malgré les références contemporaines, est intemporel. On y retrouve avec bonheur Marisa Paredes, en mère prête à tout, et la belle Elena Anaya, déjà présente dans « Parle avec elle », et on y découvre le jeune Jan Cornet, qui fait penser au Gael Garcia Bernal de « la Mauvaise Éducation ».
* « This must be the place » : l’ironie dans le drame
C’est à Cannes, en 2008, qu’est né le film. Sean Penn présidait le jury, qui attribua son prix au très intelligent « Il Divo », de Paolo Sorrentino. L’acteur fit alors au réalisateur italien des compliments qui incitèrent ce dernier à oser lui envoyer son scénario. La réponse lui arriva dans les 24 heures.
Le rôle est celui d’une ancienne star du rock qui déprime dans sa belle résidence de Dublin, continuant à 50 ans à s’habiller gothique et à se maquiller outrageusement comme dans ses années de gloire. Quand on aperçoit Sean Penn ainsi métamorphosé, jusqu’à la voix, on a un peu peur, même si on fait partie de ses admirateurs inconditionnels, et on se demande dans quelle galère il s’est embarqué. Mais Sorrentino sait où il nous emmène, et ce sera jusqu’au cœur de l’Amérique, à la recherche d’un ancien nazi. La quête, classique, est celle d’un homme qui n’a pas fait la paix avec son passé, avec les motifs qui l’ont fait, trente ans auparavant, quitter son père et New York.
« This must be the Place », qui doit son nom à une chanson de David Byrne, qui apparaît dans le film, est ainsi aussi un road-movie de l’Amérique mythique des amateurs de cinéma, avec ses grands espaces, ses stations-services au milieu du désert, ses bars aux longs comptoirs et ses personnages hauts en couleur. Ce n’est pas un hasard si on retrouve notamment Harry Dean Stanton, dont nul n’a oublié la contribution à « Paris Texas ».
Le Méditerranéen Paolo Sorrentino n’est pas le cinéaste de l’allusion mais celui de l’expressivité, du symbole, voire de la caricature, au sens du dessin et de la peinture. Cela donne ses couleurs particulières à son œuvre. Il est aussi celui qui, comme il le dit, « a le besoin instinctif d’introduire l’ironie dans le drame ». La pesanteur éventuelle des images et de la mise en scène - ce n’est pas une critique - est ainsi constamment contrebalancée par l’ironie des dialogues et des situations.
Sean Penn habite le film, occupe la place. Il en reste cependant pour les autres acteurs, une belle galerie dans laquelle figurent au premier rang Juddd Hirsch, Frances McDormand et la jeune Eve Hewson.
* « Hara Kiri, mort d’un samouraï » : une tragédie universelle
C’est un film de samouraï (pour qu’on comprenne bien, on a abandonné le titre original, « Icheimi ») et c’est en 3D. On s’attend donc à de l’action spectaculaire, avec combats dansants au sabre. Et d’ailleurs, il y en a. Mais il y a plus, dans ce remake d’un film de Masaki Kobayashi - ou plutôt dans cette nouvelle adaptation d’un roman de Yasuhiko Takibuchi. Il y a une tragédie humaine et une description de la souffrance qui est universelle.
Nous sommes au XVIIe siècle et les temps sont difficiles pour les samouraïs, et surtout les ronins, les samouraïs sans maître : ils ont du mal à louer leurs services car la paix règne entre les clans. Voulant mourir dignement, l’un d’entre eux, sans ressources, demande à accomplir un suicide rituel (seppuku) dans la résidence du clan Li. Pour le décourager, le chef du clan lui raconte l’histoire terrible d’un ronin, venu avec la même requête. Mais le samouraï sait la vérité de l’histoire, celle de pauvres abandonnés par les puissants et par le destin, celle d’un jeune homme qui ne peut sauver la femme qu’il aime.
Takashi Miike, cinéaste prolixe de 50 ans (il tourne parfois trois films dans l’année et a quelque 80 titres à son actif), n’est pas très connu en France. On espère une sortie convenable pour « Hara-Kiri », pour le lyrisme de l’ensemble et la beauté de certaines scènes, avec la neige magnifiée par la 3D.
* « Drive » : du noir très rouge
Né à Copenhague en 1970, Nicolas Winding Refn est arrivé à New York à 8 ans avec sa famille et a partagé sa jeunesse entre les États-Unis et le Danemark. Dès son premier film, « Pusher » (1996), sur les dealers d’héroïne à Copenhague, son style pour filmer la violence est salué par la critique. Deux autres « Pusher » suivront, puis, entre autres, « Bronson » et « le Guerrier silencieux ». Rien d’étonnant à ce que l’acteur principal Ryan Gosling, enrôlé dans la production, ait suggéré son nom pour la réalisation.
Le scénario, tiré du roman éponyme de James Sallis, réunit les ingrédients classiques du film noir et du film d’action : l’immensité de Los Angeles, des poursuites en voiture, des repris de justice et des mafieux et, au milieu, un héros solitaire, que son talent de conducteur et de cascadeur conduit à fréquenter des gens peu recommandables mais qui se battra jusqu’au bout pour sauver celle qu’il aime.
Rien d’original, donc. Mais des personnages auxquels on s’attache et une manière de filmer l’action et la violence qui change des habituels brouets hollywoodiens. Ryan Gosling, très bien, Carey Mulligan, émouvante, sont épaulés par des routiers efficaces du cinéma US, Ron Perlman, Bryan Cranston, Albert Brooks. Un bon « divertissement », dont la sortie nationale est fixée au 5 octobre.
Et aussi
- « Footnote »
Le cinéaste israélien Joseph Cedar est surtout connu pour son troisième et avant-dernier film, « Beaufort », ours d’argent à Berlin et nommé pour l’oscar du meilleur film étranger en 2008. « Footnote » (note en bas de page) évoque la rivalité d’un père et de son fils, tous deux chercheurs du département Talmud de l’université hébraïque de Jérusalem. C’est souvent drôle - surtout au regard du motif de la querelle - mais pour le réalisateur, c’est « peut-être une tragédie. Comme la plupart des histoires père-fils. » Difficile pourtant, quand on ignore tout des études talmudiques, de mesurer la portée de la querelle et la saveur du différend de toute une vie.
- « Hanezu »
La Japonaise Naomi Kawase, qui était sélectionné pour la troisième fois en compétition (elle a obtenu le grand prix en 2007 pour « la Forêt de Mogari ») a tourné dans la région de Nara, où elle est née. « C’est l’endroit où s’est construite la première capitale du Japon, c’est le cœur de la culture japonaise », dit-elle. Le récit, une femme est aimée de deux hommes, évolue en parallèle d’une légende sur les trois monts environnants, personifiant de même une femme et deux hommes, et de poèmes anciens. La réalisatrice évoque la faculté à attendre de nos ancêtres. « N’avaient-ils pas au bout du compte un meilleur sens des priorités que nous aujourd’hui », demande-t-elle. Cette notion d’attente, elle l’a mise dans son film, que sa lenteur rend un peu aride, en dépit d’une incontestable poésie.
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