Au commencement, il y a une femme qui publie depuis quarante-cinq ans des textes dont elle puise principalement la matière dans sa vie. Depuis « les Armoires vides » en 1974 et jusqu’à « Histoire de fille » en 2016, en passant par « les Années » en 2008, Annie Ernaux occupe une place très particulière dans le paysage de l’édition française. Très aimée des lecteurs et lectrices, parfois violemment moquée par quelques critiques, franchement attaquée lorsqu’elle avait réagi à la publication d’un livre sur Anders Behring Breivik, l’homme du massacre d’Oslo et Utoya en juillet 2011. Une femme de conviction et dont les livres intéressent beaucoup les hommes et les femmes de théâtre. On ne compte plus les lectures, les adaptations de ses textes.
Pour Marianne Basler, comédienne lumineuse à la brillante carrière au cinéma comme au théâtre, il s’agit de bien plus. Il s’agit d’une rencontre, car ce que raconte Annie Ernaux dans « l’Autre Fille » fait écho à un épisode de l’histoire de sa propre famille. Ici, elle a pensé la mise en scène avec Jean-Philippe Puymartin. Assise à un bureau. Se levant parfois. S’approchant d’une porte au fond du petit plateau des Déchargeurs.
Marianne Basler possède une très belle voix. Elle est musicale et précise. Elle fait semblant de lire, par instants. Comme si elle écrivait, devant nous. Bien sûr, elle connaît ce texte par cœur. Il a été coupé. Allégé de certains épisodes, de certaines notations. « L’Autre Fille », c’est cette sœur aînée d’Annie Ernaux, morte de la diphtérie encore petite. Une grande sœur dont elle n’apprend l’existence qu’à l’âge de 10 ans en surprenant une conversation de sa mère avec une cliente de l’épicerie. Elle entend : « Elle était plus gentille que celle-là ».
Elle n’est pas un enfant de remplacement. Mais elle pense que c’est parce qu’il y a eu cette sœur, qu'elle, Annie, est devenue écrivain. Est-ce si simple ? Écoutez bien. Annie Ernaux a écrit ce livre en répondant à la sollicitation d’une collection de « Lettres à ». Cette lettre à sa sœur est si bien composée qu’elle dépasse de loin son propos et s’adresse au plus intime de chaque auditeur, de chaque lecteur. Et elle est si bien interprétée, si finement ciselée par Marianne Basler, que l’on « voit », littéralement, le texte naître devant nous.
Un moment donné en toute modestie, qui est bouleversant et comble tout désir de bon théâtre. Bien plus que de lourdes productions vaniteuses.
– Les Déchargeurs, jusqu'au 6 avril. Durée 1 h 10. Tél. 01.42.36.00.50, www.lesdechargeurs.fr
– À Marseille, aux Bernardines, du 24 au 28 avril, www.theatre-bernardines.org
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