Si nous ne le savons plus, explique notre philosophe, c'est que sans nous en apercevoir nous avons déjà dans notre berceau tous les bienfaits de la citoyenneté, la protection des lois, le bénéfice des soins et de l'éducation. Par ailleurs, « il n'y a même plus à envisager d'avoir à donner sa vie pour la patrie, puisque des professionnels s'en chargent pour nous ».
De fait, ce qui focalise d'abord l'intérêt, c'est la nationalité. Pour nous, elle constitue notre identité, alors qu'elle résulte souvent du hasard de notre naissance et de certains accidents de notre existence. Ce que propose Yves Michaud, c'est de découpler nationalité et citoyenneté et de faire de cette dernière le résultat d'un véritable choix existentiel.
Tel le diable se nichant d'abord dans les détails, la crise de la citoyenneté se loge dans les petites incivilités quotidiennes. Certaines peuvent sembler légères et sans grandes conséquences – on ose à peine citer le fait de jeter un papier sale dans la rue. Mais Yves Michaud voit une progressivité du mal, de l'incivilité banale à la dégradation de biens publics ou privés, le non-respect des lois sur la consommation de stupéfiants, la recherche de passe-droits, les combines, les fraudes à la Sécurité sociale, etc. L'auteur va même jusqu'à nous dire que certains hommes politiques oublient de payer leurs impôts, voire utilisent frauduleusement des membres de leur famille…
De cet incivisme « mou », on passera au dur et même au très dur, avec d'autant plus de facilité que règne une sorte d'indifférence généralisée. C'est ainsi qu'« il n'est guère surprenant que le petit délinquant de banlieue "connu défavorablement des services de police" se transforme un jour proche en terroriste assassin ».
On n'est pas citoyen par le sol ou par le sang, poursuit Yves Michaud, mais par l'affirmation d'une loyauté, par un engagement, un serment qui, selon lui, devrait être fait à la fin d'un « service civique » de trois mois. Il trouve à ces mesures une analogie concrète : beaucoup sont nés dans une religion qu'ils n'ont pas véritablement choisie ; déjà, bien avant la majorité légale, ils peuvent découvrir leur athéisme total, leur doute, ou choisir une autre religion. D'où la nécessité de ce serment de loyauté, assorti de sanctions en cas d'infidélité, de viol de cet engagement.
Difficile de ne pas être d'accord avec la dénonciation de l'incivisme, même si le fait de jeter des papiers sales dans la rue ne mène pas forcément à l'action terroriste. En revanche, les mauvais esprits entendront dans le discours d'Yves Michaud la petite musique de « la France, ça doit se mériter », c'est-à-dire, aurait dit Nietzsche, une forte injection de « moraline » venant des nouveaux hussards noirs de la République.
Yves Michaud, « Citoyenneté et loyauté », Kero, 120 p., 11,90 €
* « Le Quotidien » du 29 mars 2016
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