« L'âme peut être malade comme le corps », disait l'âge classique et ce n'est pas pour rien que les fous sont allés remplacer les lépreux en des lieux confinés, comme le rappelle Michel Foucault dans son « Histoire de la folie à l'âge classique » (Flammarion, 1964).
« Rien n'est plus expliqué », disions-nous, mais il ne faut pas perdre trop de temps avec ceux que la philosophie considère négativement comme des ennemis de la Raison. Dans « le Discours de la méthode », Descartes s'arrête un instant sur leur cas sous la forme « Mais quoi, ce sont des fous ! » et c'est le début d'une longue disqualification, le fou confondu avec le vagabond, le délinquant, le « vénérien », l'athée… De fait, lorsque règne l'absolutisme religieux, il faut être fou pour ne pas croire en Dieu !
Pleuvent aussi les théories qui font des affections mentales le résultat d'un échauffement du cerveau, d'une mauvaise circulation dans les tubulures, etc. On va ainsi vers des conceptions pseudoscientifiques, telle, au début du XIXe siècle, l'idée de dégénérescence cheminant avec le racialisme de l'époque. Un bain idéologique débouchant sur le nazisme, comme le détaille un chapitre de Boris Cyrulnik sur « la psychiatrie au temps du nazisme ».
Rien n'est donc plus « mal soigné » que ces affections que l'on ne peut clairement nommer, faute de taxinomie, jusqu'à la création de cliniques en 1770. S'il fallait citer l'une des approches obsessionnelles justifiant le titre de l'ouvrage, c'est bien sûr la trépanation ou les « fenêtres » pratiquées dans le crâne pour y voir et y débusquer le mal.
Persiste également l'idée que la folie est le résultat d'un choc que ne peut supprimer qu'un autre choc. Un remarquable chapitre est consacré aux traumatismes résultant de la guerre de tranchées lors du premier conflit mondial. Pauvres hommes effrayés à jamais par « la marmite », les obus allemands fracassant les corps et déterminant des postures atroces, dans lesquels le neurologue Joseph Babinski crut voir des simulateurs. Les décharges électriques les convaincront de retourner au front !
Les sciences humaines meurent aussi. Surtout, nous souffle un mauvais esprit, « si elles ne sont ni scientifiques ni humaines ». Le livre prend vers la fin le recul et la lucidité souhaités. Le risque est de voir la psychiatrie totalement absorbée par la neurologie ou victime de la multiplication de « cliniques de bien-être » créatrices de légumes heureux. Un peu comme ce qui arrive à Alex, le héros d'« Orange mécanique », le film de Stanley Kubrick.
Odile Jacob, 288 p., 24,90 €
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