Christophe Honoré a eu 20 ans en 1990. Il était adolescent lorsque l’épidémie de sida a frappé. Un adolescent grandi à Rostrenen, un étudiant à Rennes. Un jeune homme curieux, épris de littérature, de cinéma, d’arts.
Le spectacle intitulé « les Idoles » commence par une voix off, sa voix. Il raconte comment un jour, de passage à Paris, il se rend au centre Georges-Pompidou et assiste à un hommage au chorégraphe Dominique Bagouet, mort peu de temps auparavant du sida. « Ce que tu aimes bien est ton véritable héritage », dit le cinéaste de « Plaire, aimer et courir vite », présenté à Cannes au printemps dernier et qui vient de recevoir le prix Louis-Delluc 2018.
Christophe Honoré n’a pas connu tous les hommes qu’il réunit et qu’il fait interpréter, pour deux d’entre eux, par des femmes de grand caractère. Pulpeuse et spirituelle, Marlène Saldana, que l’on connaît, entre autres, par les films du cinéaste, est Jacques Demy. Il est un peu à part, Demy, puisqu’il n’avait jamais admis clairement son homosexualité et que ses proches ne voulurent pas que l’on dise qu’il était mort du sida… Mais il faut se reporter à ces années-là, aux hommes de sa génération, à tout un faisceau d’époque. Et pourquoi faudrait-il rendre des comptes ?
On évoque aussi Michel Foucault, lorsqu’il mourut ce fut officiellement d’une tumeur au cerveau. On entend le texte d’Hervé Guibert sur le personnage de Musil. C’est magnifique. Cet artiste est lui aussi porté sur scène par une femme : il est interprété, pantalon et chemisier masculins – au contraire de Demy, guêpière et fourrure – par Marina Foïs. Pour les autres, citons Harrison Arévalo qui est Cyril Collard, Youssouf Abi-Ayadi, Bernard-Marie Koltès, Jean-Charles Clichet, qui lui est Serge Daney, et enfin Julien Honoré, qui interprète Jean-Luc Lagarce.
Christophe Honoré leur rend hommage, les rend à nouveau proches, humains, avec leur bravoure, leurs réflexions bravaches, leurs faiblesses, leurs terreurs, leur goût de la drague, pour certains. Leurs provocations. Leur créativité. Tous des artistes, tous des êtres interrompus dans leur chemin. Tous foudroyés, saisis par la camarde encore jeunes. Qu’auraient-ils écrit, filmé, photographié, qu’auraient-ils vécu si l’épidémie ne les avait pas sauvagement attaqués. Car à l’époque, les soins sont lourds et il faut un courage extraordinaire pour accepter, demeurer digne…
On ne peut qu’être touché, et par la démarche de Christophe Honoré et par la manière dont il a composé ce spectacle à voix multiples et dirige les comédiens réunis. Il n’y a pas beaucoup de pièces sur le sida : « Angels in America », de l’Américain Tony Kushner, aurait dû être à l’affiche de la Comédie-Française cette saison, dans une mise en scène d’Arnaud Desplechin, mais la grève du printemps dernier, a conduit à revoir le calendrier des créations. Il faudra attendre la saison prochaine.
Odéon-Théâtre de l’Europe, du 11 janvier au 1 er février, à 20 h 30, du mardi au samedi, à 15 heures le dimanche, durée 2 h 30 sans entracte. Tél. 01.44.85.40.40, www.theatre-odeon.eu
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