« L’Éveil du printemps », de Frank Wedekind

Tourments d’adolescence

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Publié le 04/05/2018
Théâtre-L'Eveil du printemps

Théâtre-L'Eveil du printemps
Crédit photo : BRIGITTE ENGUÉRAND/COLL. COMÉDIE-FRANÇAISE

À nos yeux, « l'Éveil du printemps » est l’une des plus belles pièces du répertoire universel. Elle a été écrite en 1890 par l’Allemand Frank Wedekind et créée seulement en 1906 à Vienne. Elle frappa Freud, qui lui consacra un article. Elle parle d’un âge peu présent au théâtre, celui de l’adolescence. Elle est très audacieuse : on y voit un groupe de garçons et de filles affronter les questions auxquelles les adultes ne les ont pas préparés, et en particulier celles de la sexualité.

Il y a trois personnages principaux, Wendla (Georgia Scalliet), Melchior (Sébastien Pouderoux), Moritz (Christophe Montenez), et toute une bande qui se déploie autour d’eux. Il y a les adultes, parents et professeurs. Sociétaire de la Comédie-Française, Clément Hervieu-Léger a choisi de jouer l’intégrale du texte dans la traduction de François Regnault. Il s’est entouré d’une équipe artistique qui a été celle de Patrice Chéreau, à commencer par Richard Peduzzi, qui signe pour la première fois une scénographie au Français.

Un grand espace monumental traité en hauts murs lisses d’un ton bleu gris, fenêtres étroites, éléments mobiles. Vingt-trois comédiens sur le plateau, des scènes de groupe très bien cadrées, des moments d’intimité qui ne se perdent pas dans l’espace. Et l’interprétation excellente de chacun, adultes dépassés ou trop sévères, jeunes tourmentés qui ne savent pas comment on fait des enfants et que déchirent des pulsions contradictoires.

Dès la première scène, Wendla, qui n’a que 14 ans, évoque sa disparition… On comprend qu’à l’époque de sa publication la pièce fut interdite : masturbation, seul ou en groupe, élan homosexuel, amour, suicide, avortement, mort… C’est lugubre. « L’Éveil du printemps » montre plutôt la puissance de Thanatos et celle d’une société qui ne fait pas de place à la prime jeunesse.

Les accents de vérité et le jeu sensible de l’ensemble de la troupe bouleversent. Le spectacle se donne sans entracte et dure 2 h 50. On en comprend d’autant mieux les inexorables mouvements à l’œuvre dans une pièce que Wedekind sous-titre « Tragédie enfantine ».

Comédie-Française, salle Richelieu, en alternance jusqu’au 8 juillet. Tél. 01.44.58.15.15, www.comedie-francaise.fr

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9660