Les années 30 et aujourd’hui

Tristes répétitions ?

Publié le 27/10/2014
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Idées

On est tout de suite dans le bain avec la quasi-équivalence d’un discours de Franklin D. Roosevelt, tenu le 4 mars 1933, et celui de Barack Obama le 21 septembre 2008 en Caroline du Nord. D’un côté : « Certains de nos banquiers (...) ont utilisé l’argent qui leur avait été confié à la spéculation et des prêts déraisonnables. » De l’autre : « L’ère de la cupidité et de l’irresponsabilité à Wall Street nous a conduits vers des temps dangereux. »

C’est donc de façon extrêmement fouillée que la première étude met en regard la crise des subprimes et le krach du Jeudi noir d’octobre 1929. N’hésitant pas à conclure : « À comparer l’enchaînement de ces événements qui se sont produits à huit décennies d’intervalle, on est frappé par la similitude des mécanismes à l’œuvre. »

Vent mauvais, climat empoisonné, en 2014 l’Europe a peur et « s’offre aux fachos et aux ultras », nous est-il dit. Ils étaient partout dans les années 30, fascistes italiens, franquistes, Croix fléchées en Hongrie, Gardes de fer en Roumanie, Rexistes en Belgique et, bien sûr, Croix de feu et PPF en France ; ils ont préparé les atroces dictatures que l’on sait. Ceci écrit, les auteurs ne tombent pas dans le piège de voir dans le renouveau actuel des populismes la simple copie du passé. Au contraire, ces mouvements prétendent incarner le changement. « Ils ne se disent pas antimusulmans, mais défenseurs de l’Occident ; pas anti-Roms, mais défenseurs de la sécurité individuelle ; pas anticapitalistes, mais dotés d’une forte fibre sociale. »

Le mal court

Prenant toujours bien la température des esprits du temps, une autre contribution note le retour de l’ordre moral et fait l’histoire des intellectuels « cathos », longtemps inféodés à l’Action française de Charles Maurras, avant de rallier la démocratie chrétienne. Pourquoi a-t-il fallu que le « messie de Neuilly » se fende d’un discours néo-maurrassien le 20 décembre 2007, en déclarant : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé. » Merci pour les hussards noirs de la République !

Sur un autre terrain brûlant, on se demandera si les récentes manifestations d’antisémitisme, qu’il s’agisse des meurtres commis par Merah et Nemmouche ou des saillies nauséeuses de Dieudonné ou Soral, peuvent être situées dans le prolongement de la haine et des déportations de la période vichyste. Pourtant, comme aurait dit Audiberti, « le mal court ».

Il est bien tentant d’opposer à ce livre le facile « Comparaison n’est pas raison ». Peut-être faut-il distinguer comparaison et analogie. C’est ainsi que l’une de ces monographies revient sur le rapprochement entre colonies et populations de banlieue. Il s’agit précisément ici de dire que, comme pour les colonies naguère, ces quartiers à l’abandon n’ont pas d’identité reconnue. Mais dans les deux cas, on discrimine un corps étrange, donc étranger à la nation. Le même regard, donc, le comment l’emportant sur le quoi.

Reste ce livre, à bien des égards dérangeant et auquel s’applique totalement le célèbre adage « Ceux qui oublient leur passé sont condamnés à la revivre ».

Renaud Dély, Claude Askolovitch, Yvon Gastaut, Pascal Blanchard, « Les Années 30 sont de retour », Flammarion, 333 p., 21,90 euros.

André Masse-Stamberger

Source : Le Quotidien du Médecin: 9360