« Kanata », le nouveau spectacle du Théâtre du Soleil

Un grand moment de théâtre

Par
Publié le 31/12/2018
Article réservé aux abonnés
Théâtre-Kanata

Théâtre-Kanata
Crédit photo : MICHÈLE LAURENT

Il y a du songe et de la crudité, il y a de la fiction et de la vérité. Il y a un grand théâtre, épique parfois et quotidien souvent, un grand théâtre de notre temps qui mêle, en une tresse fascinante, l’art de Robert Lepage et l’esprit du Soleil.

En avril 2014, après les représentations de « Macbeth », Ariane Mnouchkine, qui fonda en 1964, avec des amis, le Théâtre du Soleil, proposa à Robert Lepage, le grand metteur en scène et comédien québécois, de diriger la troupe dans un spectacle à sa convenance. L’artiste si inventif et si travailleur accepta et, au fil des rencontres, décida de se consacrer à l’histoire même du Canada.

Robert Lepage est un homme qui crée sur le temps long. En quatre ans, il avait mis au point trois épisodes distincts qui raconteraient le Canada du XIXe au XXIe en passant par la question des pensionnats autochtones, ces établissements dans lesquels les enfants étaient coupés de leurs familles, de leur culture, de leurs racines pour subir une « assimilation » aussi douloureuse que stérile. Une réalité qui éclaire celle d’aujourd’hui.

Alors qu’ils répétaient au Québec l’été dernier, une vive polémique se fit jour. Des artistes autochtones reprochaient à l’artiste de faire jouer des Indiens par des non Indiens et, malgré la présence au Théâtre du Soleil de vingt-six nationalités différentes, les tenants de « l’appropriation culturelle » firent capoter cette version.

Mnouchkine et Lepage annoncèrent alors qu’ils cherchaient une réponse. Elle est venue par l’art et le travail. Cet épisode « 1 » reprend plutôt le troisième volet. Pour l’essentiel, il se situe de nos jours à Vancouver. Dans un monde qui se cherche et un monde qui s’autodétruit. C’est très impressionnant. Il y a des scènes très drôles, il y a même parfois une légèreté certaine. Il y a beaucoup d’amour entre les êtres. Mais certains épisodes évoqués sont atroces. Les pensionnats, la drogue, la misère matérielle et intellectuelle, le crime.

Trente-deux comédiens sont engagés de toutes leurs fibres dans ce grand moment de théâtre, original et puissant. Plusieurs destins se croisent et l’on retrouve l’art extraordinaire de Lepage dans la construction des récits et l’on admire sa direction d’acteurs, très rigoureuse. Les comédiens sont très émouvants, dans ce spectacle assez sombre sur notre monde, mais passionnant et plein de surprises.

 

Jusqu'au 17 février, Cartoucherie de Vincennes. Durée 2h30 sans entracte. Joué en français, et en anglais avec surtitres très lisibles.

Tél. 01.43.74.24.08, www.theatre-du-soleil.fr 

 

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9712