L’UNITÉ, ou plutôt le rêve d’une harmonie, d’une bienheureuse symétrie résultant d’une intelligente création. Vous avez dit « création » et déjà on mesure que va arriver un terrifiant cortège de polémiques. Mais reprenons les choses par le commencement.
Au début… un frémissement de l’espace, qui enfle et se développe en ondes tumultueuses, bouillonne, le temps se déploie, la matière en exsude, l’être passe en devenir, ou, comme l’exprime M. Gleiser, « l’Univers apparaît de lui-même comme une bulle d’espace jaillissant d’une mer de néant ».
Rien n’est plus difficile à penser pour nos cultures que l’idée d’une creatio ex nihilo. Il faut toujours remonter d’un effet à une cause à l’infini, ou plutôt, nous a appris Aristote, jusqu’à un « premier moteur », qui prit si facilement l’image d’un Dieu créateur (traduction viennoise, un Dieu-Père). Les variations autour de cette idée sont infinies et souvent profondément lyriques et poétiques. Dans la Genèse, Dieu, éternel et tout-puissant, manipule le néant avec des mots et la lumière fut…
Étant parfait, Dieu ne pouvait pas ne pas exister (merci saint Anselme) et ne pas créer un « objet » lui-même harmonieux. Il se trouve que l’homme est confronté à un problème plus complexe. L’Univers des savants semble être un vide quantique avec une soupe de bulles d’univers potentiels. Débrouillez-vous avec ça, car nous ne savons pas créer sans matériaux et règles pour les lier, et nous n’arrivons pas à formuler une théorie cohérente de l’Origine.
Chaos et incertitude.
Songeons au superbe titre du livre de Steven Weinberg, « les Trois Premières Minutes de l’Univers » (Seuil, 1978). Nul observateur, bien posté, n’a pu observer leur naissance, c’est-à-dire être là AVANT. Et si notre Brésilien tient pour acceptable la théorie du Big Bang, Étienne Klein la réfute fort bien dans un ouvrage de la même collection (« Discours sur l’origine de l’Univers »).
Plein de l’idée divine, ou s’en croyant débarrassé grâce à) un fiat créateur, les savants, montre l’auteur, ont conservé l’idée qu’une théorie cohérente doit résulter d’un objet nécessairement harmonieux et symétrique. Or, observé, ou reproduit en laboratoire, le cosmos vire au chaos, suscite des logiques à donner des maux de tête. Par exemple, en physique nucléaire, rien n’est plus plein que le vide et le Néant accouche de l’Être sans cesse. La physique des particules se traduit par la « relation d’incertitude » de Werner Heisenberg : plus on connaît la vitesse, moins on peut déterminer la position et inversement.
C’est sans doute cela qui permet à l’auteur de parler d’une dissymétrie générale, terme qu’il met en regard du rêve d’unité.
Pythagore a rêvé de cette unité, cosmos qui serait Monde et Ordre, pur cristal défini par les lois d’une harmonie mathématique. Nous sommes à l’opposé de cette vision, avec un univers qui est plein de trous et de matière noire en colère, où le probabilisme marque beaucoup d’hypothèses.
Marcelo Gleiser le résume en disant : « De la même manière que l’indétermination quantique limitera toujours notre compréhension du monde, notre connaissance limitée du monde physique interdira toujours la construction d’une théorie du Tout. »
Repartons par la pensée vers la bagatelle de 15 milliards d’années en arrière, un peu avant ces fameuses trois premières minutes de l’Univers. Un vieillard à barbe blanche vient-il de craquer une allumette dans un vide sidéral ? L’Être parménidien sort-il de la nuit du non-être ? Que dit le poète ? « Cela s’appelle l’aurore. »
Marcelo Gleiser, « l’Univers imparfait - Aux origines du temps, de la matière et de la vie », Flammarion/NBS, 392 p., 24 euros.
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série