Deux reprises à l'Odéon

Un maître et des élèves

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Publié le 22/06/2017
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TheatreA-Richard III

TheatreA-Richard III
Crédit photo : ARNO DECLAIR

Il n’y a plus guère de créations, en juin. Quelques festivals dans les régions, les Nuits de Fourvière à Lyon, le Printemps des comédiens à Montpellier. Mais sitôt vus, les spectacles disparaissent de l’affiche et on ne les retrouvera qu’à la rentrée prochaine, dans le cadre, souvent, du Festival d’Automne. À Paris, pourtant, l’Odéon affiche deux productions très intéressantes pour lesquelles il reste encore quelques places, nous promet-on.

Il y a d’une part, dans la salle « historique » du 6e arrondissement, une mise en scène très puissante de Thomas Ostermeier. Une des pièces les plus fortes de William Shakespeare, « Richard III », dans une version brève (par rapport à l’ouvrage original), montée autour de la personnalité fascinante d’un comédien exceptionnel dans le rôle-titre. C’est en effet Lars Eidinger qui est le crapaud du diable, l’homme déformé et souffrant qui veut être un scélérat encore plus scélérat que ceux qui l’ont précédé. Et l’histoire d’Angleterre n’en manque pas.

Ostermeier choisit une forme serrée, oubliant volontairement tout ce qui pourrait adoucir la représentation. La troupe de la Schaubühne de Berlin est tendue, aiguë, fière, forte et laisse, au cœur du plateau, avancer, se débattre et mourir un Richard terrifiant, qui offre à Lars Eidinger une occasion d’investissement profond et de déploiement sarcastique qui subjugue. Il joue et se joue de tout. Il ne fait jamais chaque soir exactement la même chose, car l’histrion qu’est Richard se joue d’abord du public… En langue allemande, avec des surtitrages précis et très lisibles.

Questions existentielles

Impossible, pour les jeunes de la promotion 24 de l’École du Théâtre national de Strasbourg, de s’amuser, d’en rajouter. Thomas Jolly, qui les met en scène, les a dirigés dans le cadre de leur sortie. « Le Radeau de la Méduse » a été présenté à Avignon l’été dernier, il a fait forte impression. Par le choix du texte. Celui de l’Allemand Georg Kaiser, qui s’était inspiré d’un cruel fait-divers de la deuxième guerre mondiale : des enfants survivants de bombardements, en Angleterre, sont en partance pour le Canada. Mais leur bateau est torpillé. Douze tout d’abord, puis un treizième, découvert caché sous une bâche, déséquilibrant ce petit monde qui commence par s’entendre avant qu’une faille ne se fasse jour et ne se creuse sans cesse.

Nous devons à la vérité de dire que nous n’avons pas revu le spectacle depuis Avignon. Le travail est-il demeuré aussi précis ? On ne le sait pas. La scénographie, la musique, les chants, le son, les lumières, font de cette apparition en haute mer un moment subjuguant. C’est très dur pour les jeunes, car ils sont peu à « vraiment » jouer, mais tel quel, ce spectacle est un accomplissement, au travers d’une œuvre étrange qui soulève de nombreuses questions existentielles.

« Richard III », jusqu'au 29 juin (relâche le 25 juin) à 20 heures. Durée 2 heures. En langue allemande avec surtitres.
« Le Radeau de la méduse », Ateliers Berthier, jusqu’au 30 juin. Durée 1 h 45 .
Tél. 01.44.85.40.40, www.theatre-odeon.eu

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9591