C’est pour André Marcon que Yasmina Reza a écrit « Anne-Marie la Beauté » (1), monologue d’une comédienne âgée d’environ 70 ans, qui raconte sa vie, sa carrière à des interlocuteurs, sans doute imaginaires, qui seraient venus l’interviewer. C’est ainsi, en tout cas, que l’on comprend que le « personnage » s’adresse tour à tour à « mademoiselle », à « monsieur », etc. De toute manière, Anne-Marie s’adresse aux spectateurs, c’est ainsi, également que l’on peut comprendre ces changements.
Yasmina Reza signe elle-même la mise en scène, sobre et sophistiquée à la fois : une méridienne, un sac contenant des pochettes qui seront éparpillées sur le siège, une paire de chaussures à talons haut. Lorsque l’on surprend Anne-Marie, elle recoud sa jupe, elle porte une combinaison sous un corsage imprimé. Elle va enfiler de jolies mules vénitiennes. Elle ne bougera pas beaucoup, une heure quinze durant. Les mouvements du texte sont éclairés par des pièces de piano. Des ombres sont projetées sur les murs, comme des tableaux mouvants. Simple et beau.
Une coiffure très discrète, un visage maquillé : c’est tout. André Marcon est allé puiser au plus profond de lui-même le féminin. Il ne compose en rien. C’est sa voix, sa douceur, son intelligence, son regard. On écoute cette artiste, jamais une vedette. Elle évoque la petite troupe de sa province : l’honneur des baladins. Elle se souvient de ses amis, de ses admirations, de ses succès. Le théâtre, ce sont aussi ces humbles, ici défendus par l’un de plus grands comédiens qui soient.
Autobiographique
À l’Odéon, une œuvre célèbre et une comédienne de renommée internationale, Isabelle Huppert, la mère de « la Ménagerie de verre » (2), pièce très autobiographique de Tennessee Williams, dans une mise en scène d’Ivo van Hove. Le décor est très étrange : un appartement cocon rougeâtre, fausse fourrure glissante imprimée des visages de l’absent, le père, métaphore de la protection maternelle. Sans doute Jan Versweyveld a-t-il pensé au ventre d’une femme.
La pièce, bouleversante, se déploie, portée par une distribution magnifique. Isabelle Huppert, bien sûr, Amanda, éternelle jeune fille qui regrette son vieux Sud, grande sœur de ses enfants et qui appelle d’ailleurs Laura, sa fille, « petite sœur », alors que celle-ci est de deux ans l’aînée de Tom. Seize ans auparavant, le père les a abandonnés.
Dans la belle traduction d’Isabelle Famchon, tout sonne juste. C’est Tom/Tennessee qui est le narrateur et se souvient : Nahuel Pérez Biscayart, salué dans « 120 battements par minute », est exceptionnel de vérité, de liberté, de nuances. Sa sœur, qui, après une maladie, a une jambe un peu plus courte que l’autre, et qui est d’une timidité maladive, heureuse seulement avec ses petits objets de verre, est incarnée par la merveilleuse Justine Bachelet, belle voix, présence. Idéale. Dans la partition du « galant », l’ami de travail de Tom et ancien élève du lycée de Laura, Cyril Guel est parfait. Mais on ne comprend pas tout à fait le choix des chansons ni les séances d’onanisme d’Amanda.
Ajoutons qu’au Rond-Point, Lolita Chammah, fille d’Isabelle Huppert, prend son envol avec « la Visite » (3), un monologue très rugueux d’Anne Berest, une jeune mère qui a du mal avec sa « fonction ». Elle est remarquable et dégagée de toute ressemblance écrasante.
(1) La Colline, petite salle, jusqu'au 5 avril. Mardi à 19 heures, du mercredi au samedi à 20 heures, dimanche à 16 heures. Durée 1 h 15. Tél. 01.44.62.52.52, colline.fr (2) Odéon, jusqu'au 26 avril. Du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 15 heures. Durée 1 h 45. Tél. 01.44.85.40.40, theatre-odeon.eu. Puis Clermont-Ferrand du 4 au 8 mai. (3) Rond-Point, jusqu'au 22 mars. Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche 15 h 30. Durée1h10. Tél. 01.44.95.98.21, theatredurondpoint.fr
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