Une étude sur le bien-être

Un patient sur deux tolère bien son locked-in syndrome

Publié le 25/02/2011
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L’OBJECTIF du travail franco-belge sur les patients atteints du locked-in syndrome (LIS) pouvait sembler, au départ surprenant. Il s’agissait d’évaluer le bien-être, la qualité de vie de ces patients atteints d’anarthrie avec quadriplégie et qui conservent tout leur état de conscience. Cependant le résultat plutôt positif de l’enquête - plus de la moitié des patients se déclarent plutôt heureux et quelque 20 % malheureux - conforte a posteriori ce travail. Mais, comme le précisent d’emblée Marie-Aurélie Bruno (Liège) et coll., les résultats sont entachés d’un certain nombre de limites.

Causé par une lésion du tronc cérébral, le LIS est divisé en trois sous-types en fonction du handicap. Le syndrome classique comporte aphonie et quadriplégie, la communication s’effectue par des mouvements oculaires verticaux ou le clignement des paupières. Incomplet, il permet quelques mouvements volontaires. Quand il est total, les mouvements oculaires sont absents, l’immobilité parfaite. Une fois la prise en charge installée, la survie à dix ans concerne 80 % des cas. Une rééducation intensive permet souvent de parvenir à quelques mouvements de la tête, des doigts, des pieds, voire à la parole.

Alors que l’entourage, les médecins présument que les patients souhaitent mourir, ce qui a été nommé « le paradoxe du handicap » est relevé dans d’autres affections très invalidantes : les patients déclarent un certain niveau de bien-être. C’est ce qu’a recherché l’étude menée chez des patients français, grâce à la collaboration de l’association française du LIS (ALIS ; http://alis-asso.fr).

Questionnaire en 11 items

Un questionnaire a été adressé à 168 membres de l’association, 91 (54 %) ont répondu. Le principe du questionnaire en 11 items était de répondre en comparant l’état actuel à des points de repère établis sur une échelle allant de la période la plus heureuse (+ 5) à la pire (- 5) la vie, avant le LIS.

Les résultats ont été plutôt surprenants. En effet, 47 patients se sont déclarés heureux (médiane à + 3 sur l’échelle de comparaison) et 18 se trouvaient malheureux (médiane à - 4). Au nombre des critères d’insatisfaction se trouvaient l’anxiété, l’immobilité, le manque de distraction et la perte de la parole. Il apparaît que la durée de l’affection est corrélée aux sentiments heureux. Pourtant, 58 % des sujets interrogés déclarent ne pas vouloir de réanimation en cas d’arrêt cardiaque et seulement 7 % souhaitent une euthanasie (peut-être parce qu’impossible en France…).

Les auteurs tirent deux ordres de conclusion. Le premier est la non-représentativité probable de leurs résultats avec une surestimation probable des bons résultats. Ils n’ont eu que 54 % de retour aux questionnaires (91 sur 168). Les non-répondeurs pourraient être ceux au pire vécu de l’affection. De plus, ceux au niveau socio-culturel le plus bas et ceux qui souffrent le plus sont sous-représentés dans cette population. Deux catégories de patients connus pour déclarer une mauvaise qualité de vie. L’autre série de conclusions porte sur la prise en charge. Des efforts supplémentaires doivent être faits pour améliorer la mobilité et le niveau de distractions des patients. Un traitement anxiolytique revêt ici une grande importance. Et chez ceux qui souhaitent mourir expliquer qu’ils ont de fortes chances de retrouver un certain bien-être.

BMJ Open (2011).doi :10.1136/bmjopen-2010-000039.

 Dr GUY BENZADON

Source : Le Quotidien du Médecin: 1002