* « Midnight in Paris » : c’était mieux avant
Woody Allen, 75 ans, écrit et tourne, quoi qu’il arrive, un film par an. Difficile, dès lors, de renouveler son inspiration et même ses inconditionnels admirateurs européens avouent parfois leur lassitude. Le prégénérique de « Midnight in Paris », dont le tournage cet été a enchanté les gazettes, fait craindre le pire. Ce ne sont que clichés et cartes postales des sites les plus touristiques de la capitale, ceux que les Américains privilégient lorsqu’ils font leur tour de la vieille Europe en 15 jours. Et quand le film commence, avec ce couple débarqué des Etats-Unis avec les préjugés d’usage, on craint le pire. Mais notre Woody a plus d’un tour dans son sac et celui qu’il nous réserve ne manque pas de sel.
Comme souvent, le personnage masculin principal incarne un peu des angoisses et des passions du réalisateur. Owen Wilson, presque constamment à l’écran, ne se débrouille pas mal et il parvient à rendre crédible les extraordinaires aventures nocturnes de son personnage, un scénariste à la vocation d’écrivain étouffée, qui rêve des folles années du Paris d’Hemingway et de Fitzgerald.
On rit souvent, pas seulement de ces Américains qui ne pensent qu’à l’argent et à ce qui brille ou aux allusions politiques. On rit beaucoup, à condition de saisir toutes les références littéraires et artistiques sous lesquelles le cinéaste nous noie et de reconnaître les caricatures (au sens noble du dessin) qui abondent.
Il y a même une morale dans le film. Simpliste, certes, à savoir que chaque génération croit souvent, à tort, que c’était mieux quelques décennies avant. L’âge d’or n’existe pas, c’est plutôt rassurant.
Un mot des comédiens. Outre Owen Wilson, Marion Cotillard, très bien et Rachel McAdams, il y a une pléiade d’acteurs qui tiennent un petit rôle, dont un savoureux Adrien Brody, un météorique Gad Elmaleh et une Carla Bruni qui ne démérite pas.
* « Sleeping Beauty » : ce n’est pas un conte
Elle est belle et elle est endormie, l’héroïne du premier film de l’Australienne Julia Leigh, 41 ans, connue jusqu’à présent pour ses livres. Mais elle ne vit pas un conte de fées, bien au contraire. Étudiante, elle accumule les petits boulots pour joindre les deux bouts, parmi lesquels celui de serveuse très particulière puis d’endormie que les hommes peuvent manipuler à leur aise.
Ce qui fait l’étrangeté du film, qui peut faire penser par moments à « Eyes white shut », de Kubrick, c’est le contraste entre le quotidien très ordinaire de la jeune fille et le protocole particulier de ses nuits. La réalisatrice ne se refuse ni la violence, ni l’érotisme, ou les deux mêlés, mais évite toute explication psychologique, ce qui ajoute au malaise. On ne sait pas d’où vient la jeune fille, ce qu’elle étudie, ce qu’elle espère, ce qu’elle ressent. Cette très jeune femme garde le visage lisse et presqu’effrayant de l’innocence. Elle est interprétée par Emily Browning, très courageuse selon la cinéaste et on peut le vérifier. « J’ai dit oui tout de suite après la lecture du script, raconte la jeune actrice, j’étais assez mal à l’aise, mais de manière positive. C’était un défi pour moi. Je me suis préparé en regardant des films et en premier "Antichrist", dans lequel la performance de Charlotte Gainsbourg est un acte de bravoure. »
* « We need to talk about Kevin » : un duo infernal
L’amour n’est pas automatique dans une famille, qui pourrait l’ignorer, même si l’on préfère garder ses illusions ? Pour son troisième long métrage, l’Écossaise Lynne Ramsay, qui adapte un roman de Lionel Shriver, évoque le dysfonctionnement d’un couple mère-fils, jusqu’au drame. Pourquoi, comment ? C’est ce qu’on va découvrir par retours en arrière successifs, qui bafouent l’ordre chronologique : une femme solitaire se souvient par bribes, tout en tentant vainement de mener une vie quotidienne quasi normale. Là encore, et c’est la supériorité des bons cinéastes, pas d’explications psychologiques au rabais ni de diagnostic sur ce qui ne marche pas entre ces deux-là : la mère qui a un peu, mais pas tout, sacrifié de sa vie professionnelle passionnante, et le fils (Ezra Miller), dont la présence, même lorsqu’il était encore dans son ventre, a l’art de la plonger dans des abîmes de perplexité.
Le récit déconstruit est porté par le remarquable travail de Tilda Swinton, dont on sait depuis longtemps quelle bonne comédienne elle est, de « Caravaggio » à « Amore » en passant par « Orlando » ou « Julia ». Lynne Ramsay et Tilda Swinton se connaissent depuis longtemps et parlaient du sujet depuis plusieurs années. Les deux apportent à ce sujet difficile toutes les nuances et les ambiguités des amours-haines familiales
* « Polisse » : tout sauf lisse
Maïwen, dont « Polisse » est le troisième film, est, à 35 ans, la benjamine des réalisateurs en compétition et l’une des quatre représentants de la France. Et elle est à la hauteur, signant un film choral d’une grande richesse et d’une rare énergie. C’est un documentaire télévisé sur la Brigade des mineurs qui a été le déclic. Bouleversée, Maïwen obtient l’autorisation de passer du temps avec ces policiers confrontés notamment aux terribles affaires de pédophilie, d’inceste ou d’enfants utilisés par des gangs. Des histoires dont elle est témoin ou qu’on lui raconte, elle tire un scénario, avec le concours d’Emmanuelle Bercot. Et elle réunit, comme elle sait le faire (« le Bal des actrices ») une distribution efficace, dont Karin Viard, Joeystarr, Marina Foïs, Nicolas Duvauchelle, Frédéric Pierrot, Jérémie Elkaïm,Ricardo Scamarcio, Sandrine Kiberlain, Wladimir Yordanoff.
Aucune affaire n’est inventée mais les policiers sont bien des personnages de fiction, dont on découvre les déceptions et les espoirs. Car les membres de la brigade ont un fonctionnement quasi familial et la réalisatrice montre les amitiés, les rivalités, les histoires d’amour. C’est avec beaucoup d’habileté et sans jamais de temps mort qu’elle mêle moments professionnels et affaires privées. On est nous aussi immergée au sein de cette brigade et on a envie de prendre parti quand tel et tel se disputent, on rit et on s’émeut avec eux.
Mention spéciale pour le duo Karin Viard et Marina Foïs mais tous semblent aussi passionnés et impliqués que doivent l’être les membres de cette brigade.
« Polisse » devrait sortir en France le 19 octobre. Patience.
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