« La Mouette », de Tchekhov

Une adaptation déconcertante et fidèle

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Publié le 26/05/2016
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Theatre-La Mouette

Theatre-La Mouette
Crédit photo : ARNO DECLAIR

Thomas Ostermeier a toujours le désir de rompre. Rompre avec les traditions, éclairer les œuvres les plus classiques pour qu’elles parlent à notre temps. Il le fait sans superbe, car il aime et comprend profondément les écrivains, mais il le fait aussi avec beaucoup d’ironie, car c’est l’un des traits de son tempérament.

Il existe des traductions récentes et excellentes de « la Mouette ». Mais le metteur en scène allemand, patron de la Schaubühne de Berlin, a voulu encore plus. Il a demandé à Olivier Cadiot, auteur et poète qui connaît bien le théâtre, une adaptation. On y entend des échos du jour, du sort de la Syrie aux pensées de Michel Houellebecq, tout ici n’appartient pas en propre à la pièce. Curieusement, Thomas Ostermeier dit n’entendre aucune considération politique ou sociétale dans « la Mouette » et souhaite l’arrimer dans notre temps. Or, Tchekhov ne se contente pas de décrire un petit monde. Il sait que ses personnages avancent vers la nuit.

Dans un grand espace gris qui dégage complètement le plateau, les comédiens sont assis sur des banquettes lorsque le public pénètre dans la salle. Ils ne quitteront jamais la scène et feront eux-mêmes les changements à vue, tandis que la jeune plasticienne Marine Dillard a commencé à travailler : avec un rouleau au bout d’une longue tige et trois seaux, de gris à noir, dès l’orée de la représentation, elle peint sur le mur du fond et modifie son dessin, un paysage, avant de le recouvrir complètement de noir, dans la deuxième partie.

Le travail des acteurs débute par de la musique et du chant et une adresse au public sur des questions d’art et d’actualité. Mais, très vite, la pièce prend le dessus, Tchekhov est si puissant qu’il faut s’y soumettre. On retrouve donc tous ces personnages si connus. Ostermeier a repris certains interprètes des « Revenants » de Strindberg et engagé quelques nouveaux. La distribution est unie, homogène, talentueuse. Les questions de génération, de sens de l’engagement dans l’art, d’amour, de destin, de mort, tout est là.

Valérie Dréville, Arkadina, François Loriquet, Trigorine, Jean-Pierre Gos, Sorine, Bénédicte Cerruti, Macha, Sébastien Pouderoux, Dorn, Cédric Eeckhout, Medvedenko, Matthieu Sampeur, Kostia, et Mélodie Richard, Nina, la mouette, sont vraiment très bons. Précis, originaux, drôles lorsqu’il le faut et très touchants, profonds et justes.  On écoute – et pas de micros –, on est ému.

Théâtre de l’Odéon, à 20 heures du mardi au samedi, dimanche en matinée. Durée : 2h30 sans entracte. Jusqu’au 25 juin. Tél. 01.44.85.40.40, www.theatre-odeon.eu

 

 

             

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9499