THEATRE - « La dernière leçon », de Noëlle Châtelet

Une approche ultrasensible

Publié le 06/04/2011
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Crédit photo : FL. GANDIOL

LORSQUE Noëlle Châtelet publia «  la Dernière Leçon  » (Seuil, 2004), ce fut sous la forme d’une lettre adressée à sa mère, quelques mois après sa mort. Cette mère, femme forte, originale, indépendante, avait été toute sa vie durant sage-femme. Elle donnait la vie. Elle avait décidé, et l’avait annoncé à ses enfants, de « se donner la mort » ainsi que le dit la langue française. Il y a des années qu’elle en parlait, mais l’âge venant, 92 ans, elle avait précisé son projet et, pour des enfants, et sans doute pour une fille encore plus à cause d’une sorte d’intimité par le féminin, c’est un geste que l’on peut admirer mais qui est une souffrance profonde.

Un livre impressionnant par son écriture stricte, libre. Il nourrit bien sûr à l’époque le débat sur le droit à l’euthanasie. Des années plus tard, un homme de théâtre attentif et sensible a élaboré une adaptation très réussie du texte et redistribue dramatiquement le propos, les paroles. De ce travail est né un « spectacle » très sophistiqué et beau, qui s’appuie sur l’interprétation de Catherine Rétoré, voix de la fille, qui siffle très joliment parfois et joue de la flûte à la fin. Elle n’est pas seule sur le plateau en légère déclinaison et trappes. Deux marionnettistes l’accompagnent, Natacha Stoyonova et Sylvain Blanchard et les poupées, qui sont la mère et la mort. Ajoutons la voix en dialogue, la voix de la mère, celle si caractéristique, précise, juste, de Sabine Haudepin. Répliques, paroles échangées.

On est subjugué. Il arrive que l’on rie, surtout lorsqu’il s’agit de choisir une chemise de nuit et que l’on préfère une chemise à fleurs mauves, usée, rapiécée… Catherine Retoré est belle. Sa présence pleine, sensuelle, sa manière de se mouvoir, pieds nus sur le plateau, sa grâce, tout fascine. Ce n’est en rien sinistre. Mais c’est grave.

La scénographie de Jean-Pierre Lescot est tout en images manipulées en direct, qui donnent un charme de plus à la représentation. C’est d’une délicatesse enchantée, cela soulage tout ce qu’il y a de triste, d’éprouvant dans le propos de Noëlle Châtelet dans cette «  Dernière leçon  ».

Quelques représentations ces jours-ci en banlieue avant Paris en mai. Un spectacle qui mérite d’être vu et discuté.

Fontenay-sous-Bois, salle Jacques-Brel (tél. 01.48.75.44.88), les 7 et 8 avril. Les Ulis, salle Boris-Vian (tél. 01.69.29.34.90), le 27 avril. Genève, Forum Meyrin (tél. 022.989.34.34), les 3 et 4 mai. Puis, dans le cadre du Festival du théâtre de la marionnette à Paris, au Théâtre des Artistic-Athévains (tél. 01.43.56.38.32), du 7 au 31 mai. Durée : 1 h 20 sans entracte.

ARMELLE HÉLIOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8939