Dominique Valadié joue Thomas Bernhard

Une comédienne absolue

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Publié le 21/09/2017
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Théatre-D. Valadié

Théatre-D. Valadié
Crédit photo : SCÈNES & CITÉS

De toutes les pièces du grand écrivain autrichien Thomas Bernhard, « Au but »(littéralement « Toucher au but ») est sans doute l’une des plus étranges dans sa construction. Avec une longue première partie, essentiellement un monologue, celui d’une mère terrible qui parle devant sa fille qui fait les bagages pour leur départ annuel en vacances, au bord de la mer ; et une deuxième partie au cours de laquelle arrive un jeune auteur dramatique, que les deux femmes ont invité la veille à les accompagner dans leur villégiature. Dans cette partie, c’est d’ailleurs encore la mère qui domine, faisant un peu les questions et les réponses.

On a vu de grandes actrices jouer cette partition effrayante. Bulle Ogier comme Évelyne Istria. Dominique Valadié a déjà joué du Thomas Bernhard. Ici, elle est parvenue à une intelligence du texte renversante.

Dans la petite salle du Poche-Montparnasse, métamorphosée en précieux écrin de bois par Barbara Creutz, elle demeure immobile, assise sur une banquette, déjà vêtue de son manteau de voyage, une heure trente durant. Ce personnage odieux et bouleversant, elle en rend toutes les palpitations, les contradictions, les exagérations, les failles, les abîmes, la folie, l’humour affreux, l’innocence pourtant.

Dire que ce texte est dur est en dessous de la vérité. Bernhard en rajoute dans l’horreur des épisodes de la vie de cette femme née pauvre mais qui a épousé un homme riche, mort depuis. Elle a appris petit à petit les us et coutumes, masques et hypocrisie de la bourgeoisie autrichienne. La comédienne est impressionnante et va chercher l’humanité de cette monstresse. Léna Bréban met beaucoup de subtilité dans la partition de la fille. Yannick Morzelle, qui est le jeune auteur, est un peu transparent. Mais c’est la pièce qui le veut.

La mise en scène de Christophe Perton est stricte, rigoureuse. Du grand théâtre dérangeant. Et pourtant l’on rit beaucoup, tellement Bernhard est méchant et tellement il aime ses personnages. Son humanité triomphe dans la traduction de Claude Porcell, ce spectacle, cette interprétation.

Poche-Montparnasse, à 21 heures du mardi au samedi, 15 heures le dimanche. Durée : 2 heures. Jusqu’au 5 novembre, puis en tournée en France. Tél. 01.45.44.50.21, www.theatredepoche-montparnasse.com

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9603