« Les Gens d’Oz », de Yana Borissova

Une découverte jubilatoire

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Publié le 10/03/2016
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Théâtre-Les Gens d'Oz

Théâtre-Les Gens d'Oz
Crédit photo : E. CARECCHIO

On peut être déçu par le travail de la Brésilienne Christiane Jatahy dans la grande salle de la Colline. Elle nous avait époustouflés avec une transposition de « Mademoiselle Julie », elle tombe dans une complaisance stérile avec sa variation sur « les Trois Sœurs » et le talent des comédiennes n’y peut rien.

Mais dans la petite salle, c’est un moment miraculeux que vous pouvez découvrir. Galin Stoev, metteur en scène d’origine bulgare, qui travaille notamment à la Comédie-Française (« le Jeu de l’amour et du hasard », « Tartuffe ») et avait présenté dans la grande salle de la Colline un merveilleux « Liliom », nous fait découvrir la pièce d’une de ses compatriotes.

Yana Borissova est née en 1972. Elle est très connue dans son pays et appréciée au-delà. Galin Stoev et Sacha Carlson, qui a conçu la musique du spectacle, ont traduit « les Gens d’Oz ». Une petite communauté amicale, très originale, très attachante. Des personnages qui, en quelques traits, ont une épaisseur humaine touchante, portés qu’ils sont par des interprètes légers et profonds, graves et joyeux.

Galin Stoev annonce immédiatement la couleur ludique avec la scénographie d’Alban Ho Van, une aire faite pour le jeu, les roulades, les courses poursuites. Deux énormes polochons ajoutent à l’allégresse. Costumes, lumières, vidéo, tout ici se donne sous le signe de la perfection formelle et du sens.

L’argument pourrait paraître frivole. Un jeune homme, Erwin (Tristan Schotte), doit dîner avec une jeune fille qui lui plaît, Mia. Un de ses amis voudrait s’incruster. C’est Sart (Vincent Minne), un charmeur désoccupé (il est riche !) qui passe sa vie dans l’immeuble où vit Erwin en face d’une femme magique, un écrivain qui n’a plus rien publié depuis dix ans, Anna (Bérangère Bonvoisin). Elle partage son grand appartement avec un pianiste neurasthénique, Truman (Yoann Blanc). Le petit groupe va être charmé par Mia (Edwige Baily), qui est éditrice et rêve devant Anna.

Apparemment, il ne se passe rien… C’est la vie à fleur de jours et de nuits, d’alcool et d’échanges intellectuels enjoués. Mais Yana Borissova excelle à laisser sourdre le désarroi, les fêlures de ces êtres autant que leur vitalité, leur engagement, leur courage. Tous les comédiens sont sensibles et délicats. Et on est vraiment heureux de retrouver Bérangère Bonvoisin, la grâce, sa voix envoûtante, son intelligence.

Un miracle de spectacle, qui, mine de rien, en nous divertissant, en nous faisant rire, va très loin dans l’analyse psychologique et politique d’une certaine réalité d’aujourd’hui. À voir absolument !

La Colline, petite salle, à 19 heures le mardi, 20 heures du mercredi au samedi, 16 heures le dimanche. Durée : 1 h 35. Jusqu’au 2 avril. Tél. 01.44.62.52.52, www.colline.fr.

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9478