« Into the Woods » au Châtelet

Une équipe qui gagne

Publié le 07/04/2014
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Classique

On avait savouré au cours des saisons passées les productions de « A Little Night Music », « Sweeney Todd » puis « Sunday in the Park with George », de Steven Sondheim le dernier géant de la comédie musicale américaine, présentées par le Châtelet dans des conditions musicales telles que ni Broadway, ni Londres ne peuvent aujourd’hui rivaliser.

Pour la première en France d’« Into the Woods », c’est à nouveau la direction musicale de David Charles Abell à la tête de l’Orchestre de chambre de Paris qui frappe par sa qualité et la richesse instrumentale de la fosse. La qualité de la distribution aussi, avec un mélange d’interprètes aguerris du genre musical et d’autres plus rompus à la grande scène lyrique. Et une mise en scène de Lee Blakeley d’une fantaisie débridée, jouant à merveille de cette intrigue délirante (livret de James Lapine) mélangeant la fiction de contes de fées, largement revus par Jung et Bettelheim, à l’évocation de la vie réelle.

Contemporaine des « Misérables », « Into the Woods », créée à Broadway en 1987, convoque, dans une forêt étrange, métaphore de la mise à l’épreuve, en un mélange savoureux, quatre contes de fées légendaires, « le Petit Chaperon rouge », « Cendrillon », « Rapunzel » et « Jacques et le Haricot magique ». Dans une première partie, les personnages se mêlent, participant tous à une action très habilement tissée par le librettiste et aboutissant à une espèce de happy end provisoire. Mais la seconde poursuit en confrontant les personnages à la dure réalité de la vie. Finie la magie qui arrange tout et place à la délation, aux rivalités, aux compromis, aux bassesses et chacun tente comme il peut de sauver sa peau. Malgré quelques petites longueurs, l’intrigue est assez habile et mène à une fin politiquement correcte bien dans le style moral américain. Le tout est une comédie franchement drôle, en dépit de son indéniable message initiatique et de fraternité, entraide et solidarité, l’œuvre étant contemporaine de la pire époque de l’épidémie de sida.

Le travail de présentation du metteur en scène Lee Blakeley est, comme pour ses trois précédentes productions, absolument admirable, les éclairages d’Olivier Fenwick sont magiques et la fantaisie est garantie grâce à l’utilisation de marionnettes et d’effets spéciaux étonnants. Impeccable aussi la distribution, l’œuvre étant une somme d’individualités sans véritable vedette. Tous sont d’une redoutable efficacité vocale (le chant est sonorisé) et de grands acteurs capable de danser et de se plier à toutes les possibilités de la direction d’acteurs. La sorcière de Beverley Klein, la Cendrillon de Kimi McLaren et le Chaperon rouge de Francesca Jackson forcent davantage l’admiration mais tous sont parfaits. Luxe suprême, la voix (enregistrée) de l’ogresse, qui vient troubler la belle ordonnance de tout ce beau monde, est celle de Fanny Ardant. Somptueux, enfin, l’Orchestre de chambre de Paris sous la direction de David Charles Abell, lui aussi de retour pour la quatrième fois. On ne change pas une équipe qui gagne !

Théâtre du Châtelet (tél. 01.40.28.28.40, www.chatelet-theatre.com), jusqu’au 12 avril. Diffusion sur France Musique le 15 avril à 20 heures.

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du Médecin: 9316