« Le Dernier Jour du jeûne » et « l’Envol des cigognes », de Simon Abkarian

Une traversée épique

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Publié le 13/09/2018
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Théâtre-Envol des cigognes

Théâtre-Envol des cigognes
Crédit photo : ANTOINE AGOUDJIAN

Théâtre-Dernier jour

Théâtre-Dernier jour
Crédit photo : ANTOINE AGOUDJIAN

Ariane Mnouchkine leur a offert le Théâtre du Soleil, où ils ont pu répéter et jouent dans un espace idéal. Simon Abkarian a appartenu dix ans durant à la troupe. Le cinéma et la télévision l’ont fait connaître, mais il n’a jamais renoncé aux planches et écrit, met en scène et joue des pièces amples et lyriques depuis une dizaine d’années.

On avait déjà applaudi « le Dernier jour du jeûne », repris avec quasiment le même groupe de comédiens et de comédiennes. Dans une ville du sud, une ville méditerranéenne, on découvre une famille haute en couleurs et la vie d’un quartier où tout le monde se connaît et s’entraide. Nourista, la mère (Ariane Ascaride, épatante), sa sœur fofolle, Sandra (Catherine Schaub), ses filles, Astrig (Chloé Réjon) et Zéla (Océane Mozas), son mari Théos (Simon Abkarian lui-même). Et tout le petit monde qui gravite autour d’eux, avec notamment David Ayala dans le rôle d’un veuf, boucher par qui la tragédie surgit à la fin et que l’on ne retrouvera pas dans le deuxième volet.

Cette première partie, qui dure 2 h 30, est rodée, portée par une langue caractéristique du style Abkarian, avec beaucoup d’images, une poésie originale, un amour pour ses personnages avec leur grand cœur et leurs faiblesses. Des éléments de décor manipulés à vue, une rapidité des changements, une bande musicale très colorée, beaucoup de cocasserie, une grande originalité.

Une haute ambition

On change de registre avec « l’Envol des cigognes », qui se passe dix ans plus tard, en temps de guerre. La même famille, les mêmes personnages et beaucoup d’autres. D’autres comédiens, dont Serge Avédikian. Les mêmes qualités d’écriture, une plongée dans un conflit qui évoque ceux de notre temps, une âpreté qui n’interdit pas la vitalité.

On ne peut qu’admirer la force de cette proposition et l’engagement d’une vingtaine d’interprètes, tous remarquables, la fluidité de la représentation et cette langue, très inventive et belle. Mais sans doute la matière textuelle est-elle un peu trop ample. On comprend que l’auteur veuille donner la parole à chacun, les scènes sont touchantes, mais cela donne un voyage de 3 h 45, entracte compris. La guerre impose un mouvement sans cesse brisé et le dessein général est moins fluide.

On peut voir l’un ou l’autre volet, chacun possède sa cohérence. Au fil du temps « l’Envol des cigognes » va trouver son exact régime. N’empêche qu’il est rare, en cette rentrée assez classique, d’être en présence d’une troupe aussi étonnante, avec beaucoup de rôles de femmes, pour défendre une très haute ambition théâtrale. Le public ne s’y trompe pas qui accueille triomphalement les artistes.

Théâtre du Soleil, jusqu’au 14 octobre. En alternance du mercredi au vendredi à 19 h 30, en intégrale le samedi à partir de 16 heures et le dimanche à partir de 13 heures avec un entracte d’une heure entre les deux volets. Tél. 01.43.74.24.08, www.theatre-du-soleil.fr

Armelle Héliot

Source : Le Quotidien du médecin: 9685