Dans un sombre décor de Jan Versweyveld, le scénographe consubstantiel au travail du metteur en scène belge Ivo van Hove, les deux tragédies d’Euripide se déploient en un mouvement implacable. Dans la traduction lumineuse, précise, efficace et touchante de Marie Delcourt-Curvers (Folio Théâtre).
On est chez les Atrides. Électre et Oreste sont deux des enfants d’Agamemnon. Leur mère, Clytemnestre, a obtenu de son amant Égisthe qu’il tue son mari. Sept ans ont passé. Électre a été mariée à un paysan, Oreste exilé. Voici qu’il revient. Liés par un désir de vengeance terrible, et alors que l’oracle de Delphes a demandé au jeune homme de passer à l’acte, ils tuent l’assassin de leur père, puis leur mère. Oreste, poursuivi par les Érinyes, devient fou.
Ivo van Hove ajoute à la fureur, ajoute à l’atroce. Les personnages sont jetés sur un sol de boue et il n’y a que les flots de sang, ici, pour rivaliser avec cette terre maudite. Équipés de micros, les comédiens s’engagent de toutes leurs forces et de tous leurs talents subtils dans la représentation. Ils sont quinze, plus cinq jeunes en formation. Plus les musiciens du Trio Xenakis avec leurs magnifiques timbales aux fûts de cuivre martelé. Pour ajouter à la sauvagerie, des moments de danse, jusqu’à la transe, ponctuent le spectacle. Certaines scènes sont particulièrement éprouvantes. D’une phrase d’Electre qui parle d’outrager un mort, le metteur en scène induit le démembrement d’Égisthe par Electre…
Dans la partition d’Électre, perruque courte, silhouette de garçonnet, Suliane Brahim est aussi féroce qu’impressionnante. Elle est féroce mais vulnérable. Oreste est incarné par l’excellent Christophe Montenez, dans un très long parcours. Il ne faiblit jamais et laisse sourdre toutes les nuances d’une humanité déchirée. À son côté, l’ami Pylade, est le très fin et subtil Loïc Corbery.
Tous, on l’a dit, sont magistraux. Elsa Lepoivre, la cruelle Clytemnestre, puis Hélène. Le sévère Tyndare de Didier Sandre, le noble Ménélas de Denis Podalydès, le bouleversant vieillard de Bruno Raffaelli, le tendre paysan de Benjamin Lavernhe, l’humain Coryphée de Claude Mathieu, le chœur éloquent de Cécile Brune, Sylvia Bergé, Julie Sicard, l’esclave d’Éric Génovèse, l’innocente Hermione de Rebecca Marder.
À la fin, sur ce champ de bataille épouvantable, surgit Apollon, Gaël Kamilindi, dans sa robe dorée… Les timbales, la musique d’Eric Sleichim, elles aussi, parfois, apaisent. Ce spectacle d’une cohérence sans faille sera présenté à Épidaure les 26 et 27 juillet prochains. On imagine alors la force décuplée de cet opéra tellurique, ce grand théâtre de la cruauté que les mots d’Euripide, si bien traduits, nous offrent au pur présent tragique.
« Électre/Oreste », jusqu'au 3 juillet (diffusion en direct dans 200 cinémas le 23 mai). Durée 2 h 10 sans entracte. Tél. 01.44.58.15.15, www.comedie-francaise.com
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