Dès le début nous sommes en présence d'apories. La vie d'un être humain est-elle un fait de même nature que la vie des cellules qui le composent ? L'histoire de la biologie a fait des bonds de géant, des travaux de Mendel à la découverte de la double hélice d'ADN qui fonde une conception de la vie basée sur l'information et sa réplication. Une vision que le décryptage du génome humain consolide.
La recherche va vers le microbiologique. S'agit-il de la même vie que celle que nous traquons sur d'autres planètes ? Le romancier et le biologiste n'ont-ils pas parfois une visée commune ? Georges Canguilhem nous aide en écrivant qu'« est vivant, est objet de la connaissance biologique, tout donné de l'expérience dont on peut décrire une histoire entre sa naissance et sa mort ».
On voit comment se créent deux conceptions ayant peu de rapports entre elles. L'une, dit le sociologue, « fait entrer l'humain dans un vaste ensemble d'êtres vivants au même titre que les animaux et les végétaux », tandis que l'autre fait de nous des êtres conscients situés dans un langage et une histoire.
Précisément, la vie n'est pas indifférente aux conditions socio-historiques qui la créent. Il y a selon l'auteur des « formes de vie » qui font que certaines ont moins de valeur que d'autres. Toutes les vies sont fragiles, mais celles des migrants, des réfugiés, des délaissés de banlieue sont des vies valant moins, tout comme celles des habitants des territoires palestiniens, auxquels nous nous permettrons d'adjoindre les nombreux citoyens israéliens poignardés dans la rue.
Défavorisés, dévalorisés
S'appuyant sur les dernières œuvres de Michel Foucault, Didier Fassin reprend le concept de biopouvoir. Il s'agissait de montrer comment le savoir de l'époque classique a permis par exemple d'établir le partage entre la Raison et la Folie. Ce pouvoir sur les corps n'est-il pas devenu aujourd'hui la gestion froide des défavorisés, de ceux qui de toute façon valent moins et qui vont cumuler toutes les difficultés de l'existence ?
Si on laisse aujourd'hui mourir les réfugiés en Méditerranée ou au large de l'Australie, si on laisse les policiers tuer nombre de Noirs aux États-Unis, c'est parce que ceux qui sont socialement défavorisés sont considérés comme ayant une vie en elle-même inférieure.
La vie en ce sens est en étroite corrélation avec les situations qui la valorisent ou la dévalorisent. Ainsi que la disait la concierge à Louis Jouvet, « Mon existence, c'est pas une vie » Qui donc était celui qui, récemment, croisait dans les gares des gens qui ne sont rien ?
Didier Fassin, « La Vie - Mode d'emploi critique », Seuil, « La Couleur des idées », 192 p., 18 €
* École des Hautes Études en sciences sociales
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