C’EST TOUTE la philosophie implicite du monde occidental que met en question une première dissertation de Marc Humbert. Nos fondements conceptuels sont de type « utilitariste individualiste », la question initiale est : « À quoi ça (me) sert ? ». Il en résulte une conception démocratique qui exclut précisément l’autre. Bien sûr, les hommes s’associent, mais dans l’indifférence, chacun ne cherche qu’à maximiser son avantage individuel. Le seul moyen présenté est la croissance économique.
La généralisation de l’économie de marché, sa mondialisation, ont conduit à un cercle infernal, la création illimitée de besoins et de produits, engendrant une frustration de plus en plus grande, augmentant les inégalités et conduisant à la destruction de l’environnement.
On dira que tout ceci n’est pas nouveau et s’inscrit un peu trop dans un « mainstream » d’idées devenu « modeux ». Cet opus a le mérite de nous conduire à réfléchir sur un concept décourageant pour les philosophes, qui est celui du bonheur.
Bonheur quantifié.
Nous ferons grâce au lecteur de la centaine de théories philosophiques sur ce sujet. On peut en rester à une brève analyse de Kant dans « les Fondements de la métaphysique des mœurs ». Il note que le bonheur est à la fois vague (« Toutes mes tendances réalisées ») et enfermant des contradictions. Par exemple, je veux être très riche et en même temps connaître la sérénité de l’âme.
Mais c’est Saint-Just que le livre désigne comme son ennemi, lorsque, à la veille de la Révolution française, il déclare que le bonheur est « une idée neuve en Europe ». Il désigne par là un bonheur uniquement matériel, loin de la béatitude céleste. Il serait l’involontaire annonceur d’un bonheur réduit au PIB par tête, un bonheur quantifié confondu avec le bien-être. Un rêve que, selon l’économiste Serge Latouche, la société de consommation a transformé en cauchemar.
À cette situation, les auteurs du livre opposent le concept de décroissance. Le bonheur y est redéfini comme « abondance frugale ». La décroissance n’est pas une sorte de fin en soi qui ne ferait que se substituer à l’obsession de l’abondance, son but est une société dans laquelle on vivra mieux en travaillant et en consommant moins. Et dans son encart sur cette notion, Serge Latouche ajoute qu’il s’agit d’une « utopie dans le sens positif du terme, c’est-à-dire une source d’espoir et de rêve ».
Une utopie réalisable, si on substitue à la finalité économique de nos actes une société du don, donner, recevoir, rendre le don. Du don de Marcel Mauss au convivialisme d’Ivan Illitch et c’est tout le social qui est changé.
Pourquoi ne pas essayer ? Surtout si on songe à ce que dit Lao Tseu : « Est riche celui qui sait qu’il possède assez. » Un livre à prendre au sérieux... comme toute utopie.
Alain Caillé, Marc Humbert, Serge Latouche, Patrick Viveret, « De la convivialité », La Découverte, 186 p., 14,50 euros.
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