Lutte contre l'intérim, création de 4 000 lits « à la demande », réorganisation des ARS… les annonces de Véran à l'issue du Ségur

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Publié le 21/07/2020
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Crédit photo : AFP

« Tout le monde sort gagnant ! ». Par ces mots, Olivier Véran a clôturé ce mardi 21 juillet le Ségur de la santé lancé le 25 mai alors que l'épidémie de Covid-19 en France commençait à décliner. Une semaine après la signature des accords salariaux, le ministre de la Santé a dévoilé 33 propositions de réorganisation du système de santé issues du rapport qui lui a été remis par Nicole Notat, pilote des sept semaines de réflexion.

Carrières, investissement, gouvernance locale, organisation de l'hôpital… Les conclusions du Ségur portent l'ambition de réformer très largement un système de santé mis à rude épreuve par la crise épidémique. « Nous voulons changer de braquet et accélérer dans tous les domaines de la transformation », a annoncé Olivier Véran. « Si beaucoup de constats ont été renforcés par la crise sanitaire, ils ne sont pas nouveaux », a affirmé le neurologue qui entend poursuivre le chemin tracé par sa prédécesseure avec le plan Ma Santé 2022 dont la loi « n'a même pas un an », rappelle-t-il.

Lutte contre l'intérim médical

En plus des 8,2 milliards d'euros déjà annoncés pour revaloriser les professionnels de santé (étudiants, médicaux et non-médicaux), plusieurs mesures viennent modifier les modes d'exercice à l'hôpital. Ainsi, le gouvernement veut donner plus de marges de manœuvre aux établissements pour aménager le temps de travail des professionnels. Des accords locaux pourront être signés afin par exemple de relever le plafond des heures supplémentaires, aligner le repos quotidien sur le standard européen ou encore renforcer l'annualisation du temps de travail.

Olivier Véran se donne également pour mission de lutter contre les dérives de l'intérim médical. Dès le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021, il entend faire bloquer par les comptables publics les rémunérations qui ne respectent pas le plafonnement et permettre aux agences régionales de santé (ARS) de dénoncer devant le tribunal administratif ce type d'agissements.

Côté métiers, l'exercice mixte ville-hôpital des médecins et le déploiement des infirmières en pratique avancée (IPA) vont être accélérés. Le ministre de la Santé lancera par ailleurs une mission de réflexion avec les ordres professionnels sur la création d'une nouvelle profession médicale intermédiaire en milieu hospitalier.

19 milliards pour l'investissement

L'investissement est un des points clé du Ségur de la santé. Pas moins de 19 milliards d'euros ont été débloqués par le gouvernement. L'enveloppe est répartie ainsi : 13 milliards d'euros sont destinés à la reprise de la dette hospitalière, 2,1 milliards d'euros iront à la rénovation et à l'équipement des établissements médico-sociaux, 2,5 milliards d'euros financeront des projets hospitaliers prioritaires et de coopération entre ville et hôpital. Enfin, 1,4 milliard d'euros sera destiné au rattrapage du retard sur le numérique en santé.

Une partie de ces investissements pourra être décidée directement au niveau des établissements sans besoin nécessairement d'une validation en plus haut lieu. Ainsi, dès début 2021, Olivier Véran veut remplacer l'actuel comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins (COPERMO) par un Conseil national de l'investissement en santé « fondé sur l'équité territoriale, le conseil et l'association des élus locaux à la prise de décision ». A l'avenir, devront être validés au niveau national uniquement les projets aidés à 100 % ou qui dépassent un budget hors taxes de 100 millions d'euros.

S'agissant du financement des hôpitaux, Olivier Véran a fait part de sa volonté de continuer à réduire la part de tarification à l'activité (T2A). En plus d'un ONDAM « très très nettement réévalué », le PLFSS 2021 intégrera des expérimentations sur les territoires pour un « financement mixte des activités de médecine » fondé sur le principe d'une « dotation populationnelle ». Le locataire de Ségur s'est par ailleurs engagé à poursuivre la hausse des tarifs engagée par Agnès Buzyn.

Il prévoit en outre de demander « dans les prochaines semaines » au Haut conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie (HCAAM) un rapport afin de renouveler l'ONDAM et les moyens de régulation du budget alloué à la santé. « Le Ségur a montré le besoin d'engager une réflexion sur la rénovation de l'ONDAM pour la décennie à venir », a annoncé le ministre.

Pour répondre à la demande des professionnels qui réclament l'arrêt des fermetures de lit à l'hôpital, Olivier Véran a annoncé la création de 4 000 lits « à la demande » qu'il sera possible aux établissements d'ouvrir en fonction de leurs besoins. « Ce qui est la règle pendant neuf mois dans l'année n'est pas forcément la règle quand la grippe arrive ou en période touristique dans certaines régions », a illustré par l'exemple le ministre de la santé. Ces 4 000 lits bénéficieront d'un financement de 50 millions d'euros inclus dans le Fonds d'intervention régional (FIR) à partir de l'hiver 2020-2021.

Par ailleurs, de l'argent sera injecté pour développer les hôtels hospitaliers, soutenir la recherche et permettre la transition écologique à l'hôpital et dans les établissements médico-sociaux.

Des ARS plus proches du terrain

Gros morceau de ce Ségur, la gouvernance fait aussi l'objet de plusieurs mesures visant à redonner au corps médical un pouvoir décisionnel plus étendu. Au sein de l'hôpital, Olivier Véran veut réhabiliter le rôle des services en permettant des délégations de gestion sur les ressources humaines ou les investissements courants par exemple. En outre, il veut systématiser les appels à candidature pour les chefs de service par la présentation d'un projet à l'ensemble des équipes avant un vote en commission médicale d'établissement (CME).

Il est prévu aussi de permettre aux établissements de s'affranchir localement des règles d'organisation fixée par le code de la santé publique. Ils pourront ainsi s'organiser plus librement en fonction de la situation sur leur territoire. D'autres mesures doivent permettre d'associer plus largement les paramédicaux et les patients à la vie de l'hôpital et mieux prévenir les conflits.

La gouvernance territoriale aussi va être bousculée. Le ministre a annoncé sa volonté de renforcer l'échelon départemental des ARS afin de les rendre plus proches des élus locaux. Une place sera d'ailleurs réservée à ces derniers au sein des conseils d'administration des ARS qui vont être créés. « Un maire doit se sentir chez lui en poussant les portes d'une ARS », a déclaré Olivier Véran. Le rôle des conférences régionales de la santé et de l'autonomie (CRSA) sera aussi renforcé pour en faire de « véritables parlements de santé ».

Au total le Ségur de la santé accouche d'une enveloppe annuelle de 9,1 milliards d'euros (incluant les revalorisations salariales) et 19 milliards d'euros d'investissement. « Place désormais à l'exécution sur le terrain pour des résultats concrets », a conclu Olivier Véran. Il confiera à Nicole Notat le pilotage d'un comité de suivi des mesures annoncées aujourd'hui.

Martin Dumas Primbault

Source : lequotidiendumedecin.fr