Malgré la surtaxe mise à la charge de l’industrie, le nouveau DPC devra a priori fonctionner avec un budget à peine plus généreux qu’avant. Depuis décembre, certains syndicats dénoncent un « hold-up » des pouvoirs publics. Et l’Unaformec alerte sur un blocage des financements au détriment des associations.
C’est la grande inconnue du nouveau dispositif de formation continue des médecins libéraux. Le financement du développement professionnel continu (DPC) fait couler beaucoup d’encre depuis l’annonce en décembre du montant total de son enveloppe : 83 millions d’euros pour cette première année à l’heure du DPC. « Un véritable hold-up », ne craint pas d’affirmer le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. Tout aussi remonté, le président de la CSMF, Michel Chassang, estime aussi que « les fonds de la convention médicale dévolus à la formation continue des médecins libéraux ont été purement et simplement confisqués ».
Au cœur de la polémique, figure le devenir de l’avantage conventionnel supplémentaire accordé aux médecins libéraux dans les années 90 sous forme de formation. Le montant de la dotation de la Formation professionnelle conventionnelle (FPC) est à l’époque d’environ 75 millions d’euros. Une manne redistribuée ensuite sous forme de participation financière pour les associations qui organisent des formations, et d’indemnisation des médecins qui y assistent. « Ce système fonctionnait très bien. Sur les 75 millions d’euros, la moitié était pour les actions de formation et l’autre moitié pour les praticiens qui participaient à ces actions de formation. 20 % de médecins – surtout des généralistes – étaient ainsi formés chaque année », explique le chef de file de la CSMF.
Tour de passe-passe
Tout change avec l’arrivée du DPC… et avec la survenue concomitante de la crise du Mediator. Les liens médecins-industriels sont alors pointés du doigt. Et pour éviter le financement des uns par les autres, les pouvoirs publics décident de faire passer la taxe sur l’industrie pharmaceutique de 1 % à 1,6 % d’ici à 2014, jurant que celle-ci sera redistribuée pour alimenter le financement de la formation continue des professionnels de santé. Une taxe supplémentaire que, du côté du Leem (Les entreprises du médicament), on n’a toujours pas digéré : « Au-delà du renforcement de la sécurité du médicament, il y a eu une exploitation opportuniste de l’affaire Mediator à d’autres finalités plus économiques », analyse Phillipe Lamoureux, son directeur général. Avant d’ajouter : « Notre secteur est frappé par onze taxes spécifiques et nous sommes dans une situation extrêmement défavorable vis-à-vis des concurrents européens ».
La CSMF comme la FMF assurent qu’on leur avait promis, à l’époque, que la surtaxe (150 millions d’euros, jugée insuffisante par beaucoup au cours des débats parlementaires) serait équitablement répartie entre hospitaliers et libéraux. La déduction est vite faite et pas forcément défavorable pour les médecins : la somme des 75 millions d’euros existant déjà pour la formation conventionnelle allait donc s’ajouter au montant issu de la taxe sur l’industrie d’environ 75 millions d’euros. Soit un montant total de 150 millions d’euros pour la formation des médecins libéraux. Las ! L’an passé, ne voyant pas venir les textes précisant les contours du nouveau dispositif de formation, les syndicats commencent à s’inquiéter et alertent sur un « tour de passe-passe » que leur auraient joué les pouvoirs publics. Et si l’argent de l’industrie devait remplacer purement et simplement celui du fonds conventionnel...
Le Leem pas content, la CSMF en colère
Des doutes qui vont se vérifier mi-décembre 2012 au cours d’une réunion avec le conseil de gestion de l’OG DPC (Organisme gestionnaire du Développement personnel continu) qui confirme que le budget alloué pour la formation des médecins en 2013 sera de 83,2 millions d’euros. « Nous dénonçons avec colère la confiscation de l’argent des médecins libéraux », s’énerve Michel Chassang. Monique Weber (CNAMTS), directeur de l’OG DPC, précise que « personne n’avait jamais dit que le prélèvement supplémentaire global de la taxe serait intégralement reversé à la formation des médecins ». Une interprétation qui ne colle pas du tout avec celle des syndicalistes médicaux : « Ce qui a été dit, c’est qu’une partie de cette taxe servirait à financer le dispositif de DPC », nuance-t-elle.
Alors, que sont donc devenus les 75 millions d’euros du fonds conventionnel ? Pour Philippe Lamoureux (Leem), c’est très simple : « L’Assurance Maladie a fait les poches des laboratoires sans que cela profite jusqu’à présent à la formation des médecins ». Pour Monique Weber, c’est plus compliqué, car le changement de dispositif de formation a de facto modifié son mode de financement. « Nous ne sommes plus dans un système de fonds conventionnel. Auparavant, la FPC trouvait sa source dans la Convention médicale alors que le DPC est fixé par la loi qui précise que le directeur de l’Uncam a la liberté de fixer le montant des budgets de formation pour les professionnels de santé ».
La réponse évasive de Touraine
Michel Chassang ne lâche pas l’affaire. Reçu la semaine dernière par la ministre de la Santé, il a abordé le sujet qui fâche. Sans réponse catégorique de l’intéressée : « Elle entend ce que nous revendiquons, c’est-à-dire la réintégration des fonds conventionnels, sauf que c’est quelque chose qui a été décidé en 2012 par le précédent gouvernement », rappelle le président de la CSMF. « Cet argent, on nous l’a piqué. Il a été recyclé dans l’Ondam 2013 », poursuit Michel Chassang. L’affaire est, à ses yeux, d’autant plus embêtante que l’industrie n’est plus là pour compenser. Selon le rapport des Assises du médicament, avant la loi Bertrand, la participation financière des labos dans la formation continue s’élevait à hauteur de 400 à 600 millions d’euros. « Si rien n’empêche officiellement les laboratoires de financer en partie des actions de formation, le problème c’est qu’aujourd’hui ces derniers se sont massivement désengagés de la formation. Ils ont peur d’être accusés d’avoir des liens d’intérêts. »
« C’est un bon tour de magie qu’on nous a fait là », ironise de son côté le président de l’Unaformec. Philippe Bonet déplore aussi une promesse non tenue des pouvoirs publics. Mais, pour lui, il y a encore plus grave. Quel que soit le budget disponible, personne ne pourrait aujourd’hui en voir la couleur. « Depuis le 1er janvier 2013, l’ancien dispositif n’est plus opérationnel et aucune structure de formation ne peut plus toucher un centime. Les associations sont menacées et il y a même des licenciements. C’est un vrai scandale. Tous les jours on nous dit que les textes vont paraître mais on attend toujours. »