Courrier des lecteurs

Mon programme municipal : des médecins salariés de la commune.

Publié le 20/02/2020
Les communes sont devenues de nouveaux acteurs de la santé et doivent employer des professionnels de santé. Pour l'auteur de cette tribune, cette nouvelle responsabilité découle tant du contexte de désertification médicale, que de la déclinaison locale du plan Ma santé 2022.

L’État agit sous l’effet de deux objectifs distincts dans la santé. Le budget annuel de la santé est construit avec l’impératif de revenir à l’équilibre des comptes. Cet objectif macro-économique s’appuie sur la centralisation du système de santé. Mais la loi de santé Ma santé 2022 qui vise à améliorer la santé des Français repose sur des actions locales. Qui peut mieux que le niveau communal mener ces actions définies par la loi de santé : recruter des médecins salariés, organiser des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), regrouper les professionnels de santé en ville, développer des stages étudiants et la télémédecine ?

Une dualité est inévitable dès lors qu’il y a des recettes et des dépenses. Mais elle gagnerait à être un arbitrage local avisé entre efforts de prévention et offres de soins. Ce transfert de la compétence santé de l’État aux communes serait une réponse à l’échec de la gestion centralisée de la santé qui échoue à éviter plusieurs milliards d’euros de déficits chaque année et à améliorer la santé des Français : l’espérance de vie plafonne, l’accès aux soins recule, les maladies chroniques progressent. Sans parler du malaise dans l’exercice de nombreux professionnels de santé dont la qualité de vie au travail ne semble faire l’objet d’aucune réflexion professionnelle.

Aujourd’hui, un seul fonctionnaire, directeur de l’Assurance-maladie, décide avec moins de 10 dirigeants de syndicats nationaux des rémunérations uniformes des deux millions de professionnels de santé ! On peut admettre qu’il leur est humainement impossible d’adapter les rémunérations à la diversité des situations territoriales et de l’économie des établissements de santé. Mais cette centralisation rigidifie l’offre, alimente des rentes et déresponsabilise.

Un nouveau moyen d'action pour les maires

Dans la perspective de la décentralisation de la santé, les maires ont d’ici 2026 une grande opportunité en menant une politique de l’offre.

Il leur faut recruter des professionnels de santé. Des départements comme la Saône-et-Loire et des communes comme Tulle ont déjà des médecins salariés. Ces collectivités s’équipent aussi d’une direction des ressources humaines de santé car il s’agit de recruter, non seulement des médecins, mais aussi des dentistes, des infirmières et de payer des vacations de spécialistes, notamment de psychiatrie. Les communes auront un rôle clé d'ici à 2026 pour que tous les patients disposent d’un référent, pour mener une politique de prévention en lien avec l’ARS et pour encourager la coordination autour du patient atteint de maladies chroniques ou à la sortie de l’hôpital.

Le regroupement des médecins dans un immobilier adapté et sécurisé est indissociable du devenir des officines et de celui du centre-ville. Il est contradictoire de laisser l’ARS autoriser une pharmacie à filer vers un centre commercial en périphérie et de créer des locaux sur fonds publics pour médecins et dentistes en centre-ville.

Les élus locaux ont la clé de la réussite de l’installation des jeunes médecins. Ils doivent s’impliquer pour réussir l’expérience des jeunes stagiaires et offrir des logements et une insertion sympathique dans la vie locale.

La télémédecine n’est pas un progrès si un médecin aux Baléares télé-consulte un patient en Ardèche. Dans 24 États américains, la revue en ligne des ordonnances de médicaments n’est possible qu’à des pharmaciens situés à moins de 10 miles du patient. La télémédecine suppose d’organiser la rencontre des professionnels locaux ou régionaux qui l’utilisent et les patients, les infirmiers, les aides-soignants ou les aides à la personne.

Un mandat municipal qui dure six ans est suffisant pour des médecins salariés de communes pour compléter la médecine libérale ou pour pallier sa disparition. Des résultats tangibles permettront de légitimer une décentralisation du financement et de la régulation de l’économie locale de santé.

Recruter des médecins est une dépense nouvelle, génératrice de déficit. L’Assurance-maladie paie les consultations moins chères à la collectivité que le coût total des professionnels de santé salariés pour la commune. Ce déficit est à mettre en rapport avec l’impact économique positif d’un pôle santé.

Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans le « Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr .epahd

 

Pascal Perez, Economiste, Directeur de Formules Economiques Locales

Source : Le Quotidien du médecin