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Dossier

Entretien avec le directeur général de la Cnamts

Nicolas Revel décrypte « sa » convention

Par Jean Paillard - Publié le 09/09/2016
Nicolas Revel décrypte « sa » convention

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VOISIN/PHANIE

« La porte reste évidemment ouverte… » Attendu ce week-end à l’université d’été de la CSMF, Nicolas Revel ne perd pas espoir de convaincre ceux qui boudent la nouvelle convention. Dans l’entretien qui suit, il présente le dispositif comme « une réponse forte en terme de revenus des généralistes » avec une progression moyenne de 16 000 euros par an. Et il répond aux critiques des jeunes médecins.

Le Généraliste Au terme de 6 mois de négociations, une nouvelle convention médicale a finalement été signée. Êtes-vous surpris de cet aboutissement ?
Nicolas Revel Peu pariaient au début des négociations sur le fait qu’elles aboutiraient. Cette négociation s’est engagée dans un contexte lourd et difficile, avec des attentes fortes, de la part des médecins, et des objectifs assumés de la part de l’Assurance Maladie. Pour autant, nous avons su installer, dès les premières réunions, un vrai climat de travail collectif, fondé sur une capacité d’écoute réciproque. J’ai travaillé de bout en bout avec le souci de rassembler les cinq syndicats. Comme les fois précédentes, cela n’a pas été possible. Mais retenons d’abord l’essentiel : cette négociation a abouti. Avec la signature de trois syndicats qui représentent une majorité absolue de médecins libéraux aux dernières élections professionnelles. Majorité encore plus nette s’agissant des généralistes.

Dans les motivations qui ont conduit deux syndicats à ne pas signer, je vois certains éléments qui n’avaient pas forcément de liens directs avec la convention. Comme s’il s’agissait d’abord pour eux de régler des comptes avec le passé plutôt que de préparer l’avenir. La porte de la convention leur reste évidemment ouverte, ce d’autant que tous ont pris une part active à la définition de son contenu.

Quelles sont les prochaines étapes avant la mise en œuvre de la convention ?
N.R. Entre la signature le 25 août dernier et la publication de la convention, il faut compter environ deux mois qui tiennent à des délais juridiques. Cela nous amènera à fin octobre. À ce moment-là, la convention s’appliquera, même si les mesures tarifaires qu’elle prévoit prendront effet progressivement, selon le calendrier négocié. La première revalorisation aura lieu le 1er mai 2017 avec le passage du C à 25 euros. Contrairement à ce qui a été avancé parfois, cette date est seulement liée à un délai juridique incompressible de 6 mois entre la publication de la convention et la date à laquelle elle peut produire ses premiers impacts budgétaires. Nous avons par ailleurs prévu que, d’ici à la fin de l’année, des négociations d’avenants s’engagent pour préciser les modalités de mise en œuvre de différents sujets, comme la télémédecine ou la ROSP du médecin traitant de l’enfant.

D’ici au passage effectif du C à 25 euros, qu’attendez-vous des généralistes qui suivaient des consignes tarifaires de dépassements ?
N.R. Qu’ils respectent les règles conventionnelles ! C’est la base de notre système de santé solidaire. Je n’ai d’ailleurs jamais compris que cet appel ait pu être lancé alors même que la négociation était sur le point de commencer. Le nombre des médecins qui ont suivi cette consigne n’a jamais dépassé les 500, et s’est progressivement réduit.

Il est urgent que les syndicats invitent au respect du texte conventionnel qu'ils viennent de signer

Cela n’a donc pas pesé sur l’issue de la négociation. Aujourd’hui, il est urgent que les syndicats invitent au respect du texte conventionnel qu’ils viennent de signer. À défaut, l’Assurance Maladie serait conduite à poursuivre les procédures engagées à l’encontre des médecins concernés.

Cette convention est-elle, selon vous, en rupture ou en continuité par rapport aux précédentes ?
N.R. Parler de rupture n’a pas de sens : le voulait-on ? Le pouvait-on ? En revanche, c’est une convention qui se traduit par un investissement financier très important en appui des médecins libéraux : 1,3 milliard d’euros sur les 3 prochaines années. Notre premier objectif a d’abord été d’améliorer leurs conditions d’exercice, avec une priorité assumée en direction des généralistes : plus des deux tiers des mesures financières leur bénéficieront. Notre priorité était aussi de reconnaître la charge accrue liée à des patients plus lourds en termes de temps médical et de suivi. À cet égard, la convention valorisera mieux les consultations longues, notamment celles liées à la prévention.

Au-delà, elle apporte des réponses nouvelles aux attentes des assurés en termes d’accès aux soins, sous toutes ses formes : territorial – via des dispositifs d’aide à l’installation ou au maintien en zones sous-denses ; financier en privilégiant les médecins en secteur 1 ou engagés dans une modération tarifaire ; en terme de délai – avec des mesures valorisant le soin non-programmé. C’est donc une convention qui permettra à la fois de renforcer notre système de soins de ville, mais aussi de le faire évoluer dans le sens de la qualité des prises en charge ambulatoires.

La priorité affichée en direction de la médecine générale vous semble-t-elle à même de résoudre la crise – démographique notamment – dont souffre cette discipline ?
N.R. Il faut distinguer l’attractivité générale de la médecine générale des sujets de tension démographique dans certains territoires. Les résultats des choix de spécialité en 3e cycle montrent qu’il n’y a plus aujourd’hui de désaffection du métier de médecin généraliste.

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Mais l’enjeu est de donner envie aux jeunes médecins de s’installer en libéral. La nouvelle convention doit y contribuer. Avec l’augmentation des tarifs de base, la création de consultations longues, le développement et la simplification des rémunérations forfaitaires, nous apportons une réponse forte en terme de revenus des généralistes - une progression moyenne de 16 000 euros par an - et donc d’attractivité de cette spécialité.

S’agissant du choix d’installation sur le territoire, nous avons revu nos dispositifs d’aide pour les rendre plus attractifs. C’est la prime de 50 000 euros qui a marqué les esprits, mais pas seulement. Car une prime, si élevée soit-elle, peut aider mais elle ne suffira pas. D’où les nouveaux moyens que nous avons prévus pour encourager financièrement les médecins déjà installés dans ces zones à accueillir des internes ou des externes en stage dans leur cabinet, ou pour accompagner un jeune médecin pendant une période de transition, avant leur départ à la retraite..

Lors des travaux préparatoires, l’idée d’introduire un « malus » dans le cadre de la ROSP a été évoquée. Pourquoi la Cnamts a-t-elle reculé sur ce point ?
N.R. Quand on négocie, il faut mettre toutes les idées sur la table, ce que j’ai fait. Je n’ai pas eu l’impression, en présentant cette mesure, de proposer quelque chose de scandaleux. Il ne s’agissait pas de transformer la ROSP en un outil de taxation des médecins. Simplement, faire complètement l’impasse sur un indicateur se serait traduit par un « moins » qui serait venu en déduction des « plus » obtenus sur les autres indicateurs.

Il ne s'agissait pas de transformer la ROSP en un outil de taxation des médecins

Au global, le score total ne pouvait bien sûr pas être négatif. Mais je n’ai pas maintenu cette idée face à l’hostilité des syndicats, ce d’autant que la ROSP est un sujet sur lequel je considère que nous devons fonctionner dans le consensus.

Les syndicats non-signataires et, surtout, les jeunes médecins reprochent au nouveau dispositif de n'être ni novateur, ni restructurant au détriment notamment des nouveaux modes d'exercice : que leur répondez-vous ?
N.R. Jamais les jeunes n'ont été autant associés à la négociation d’une convention. Leurs suggestions ont même été reprises s’agissant, par exemple, de l’aide à l’installation. Pour le reste, ils auraient voulu que la priorité soit donnée aux forfaits plutôt qu’à la revalorisation des actes. Il se trouve que les cinq syndicats représentatifs, signataires ou non, ont défendu exactement la position inverse. Avec un argument que j’entends concernant la revalorisation du C : une demande de parité tarifaire entre les généralistes et les autres spécialistes. Quand on parle de l’attractivité de la médecine générale, l’équité tarifaire fait partie des avancées qu’il fallait faire pour conforter cette spécialité. Pour autant, cela ne veut pas dire que les rémunérations forfaitaires aient été sacrifiées : leur montant va d'ailleurs progresser de 15 % pour les médecins généralistes. Et puis, il n’y a pas que du tarifaire dans cette convention : il y a aussi des éléments novateurs, notamment dans le forfait structure, pour accompagner le virage ambulatoire.

Comment se déroule la montée en charge du tiers payant ?
N.R. La mise en place depuis le 1er juillet du tiers payant pour les patients en ALD et les femmes enceintes préfigure les conditions de son extension à tous les assurés à partir de 2017. Nous avons supprimé tous rejets liés à la non mise à jour des droits inscrits dans la carte vitale. Le taux de rejet global est déjà tombé sous les 0,7 %. Les logiciels Sesam-Vitale ont été adaptés pour rendre la facturation simple et rapide, au point d’ailleurs que certains nous ont même reproché que cela le soit trop ! Nous avons aussi mis en place une plateforme d’appel commune à tous les régimes. Globalement, cette étape sur les ALD semble se dérouler de manière satisfaisante même s’il y a toujours des éléments à corriger ou améliorer. Il nous reste notamment à veiller au déploiement, d’ici à la fin de l’année, des mises à jour logicielles permettant aux médecins de mieux suivre leurs paiements et d’accéder à ADRi, notre système de vérification, intégré au logiciel métier, des droits des patients, notamment quand ils n’ont pas de carte vitale. Enfin, au 1er janvier, le motif de rejet lié au « hors parcours » sera supprimé.

Où en est le dossier du DMP depuis que la loi de santé en a attribué le pilotage à l’Assurance Maladie ?
N.R. Nous y travaillons beaucoup car nous sommes convaincus que le DMP apportera beaucoup aux professionnels de santé et aux patients. Mais pour convaincre les médecins d’utiliser le DMP, il faudra répondre à des conditions simples : avoir plus de patients qui en soient dotés, y trouver des informations utiles et facilement consultables, pouvoir l’alimenter automatiquement sans perdre de temps. Je précise  que si l’Assurance Maladie est en charge de son déploiement, elle n’accédera pas au contenu des informations médicales versées dans le DMP. Nous engagerons d’ici à la fin de l’année une phase pilote dans 9 départements où nous déploierons de nouvelles solutions qui permettront aux patients d’ouvrir un DMP en ligne et aux médecins de trouver dans tout DMP ouvert un ensemble d’informations utiles sur l’historique des soins et les hospitalisations antérieures.

Propos recueillis par Luce Burnod et Jean Paillard