Courrier des lecteurs

Chirurgien, transplanté cardiaque depuis 43 ans, j’ai porté la flamme olympique

Publié le 10/07/2024
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Le 22 juin à Saint-Étienne, j’ai porté la flamme olympique. À cet instant, je suis le seul au monde à la porter. La ferveur de la foule m’enveloppe : des encouragements fusent sans cesse, des centaines de portables capturent chaque instant, les yeux des enfants brillent de joie et les adultes de tous horizons me suivent en m’adressant des signes d’amitié. Je ressens l’expression physique de la fraternité, du partage, du respect pour le culte de l’excellence et du dépassement de soi (toujours plus loin, plus vite, plus haut) que représente la flamme olympique.

Ces valeurs fondamentales des Jeux olympiques, présentes tout au long de mon relais, sont aussi celles du don d’organes et de la transplantation. Elles dépassent le simple « merci », convenu et très insuffisant car le don d’organes me touche dans mes fondements les plus intimes. Le don et tout ce qui l’accompagne transcendent totalement l’Humain.

Acteur obligé, participant à la plus grande épopée médico-chirurgicale du XXe et du XXIe siècle : le don d’organes et son corollaire, la transplantation, ont fait de moi le témoin vivant du progrès et du changement de la condition humaine. Ils nous montrent la naissance d’un nouveau monde plus authentique, où un humain offre la vie à un inconnu.

Nous devons cette avancée avant tout au donneur et à sa famille

Nous devons cette avancée avant tout au donneur et à sa famille. Cette dernière occupe une place primordiale car elle est garante de la volonté du donneur, de ses convictions les plus intimes. Elle connaît sa vraie générosité, celle qu’il a réellement au fond de lui, celle qu’il veut partager avec l’humanité tout entière.

Compter sur l’appui des autres

Une fois le don administrativement enregistré (acté), le travail des médecins et des chirurgiens commence. Il s’appuie sur l’excellence transmise et acquise au fil d’années d’apprentissage : de la faculté au lit du patient, en passant par la salle d’opération. Pour réaliser une transplantation, il faudra aussi des ingénieurs, des techniciens, des infirmiers, des aides-soignants, des brancardiers, des agents d’entretien, sans oublier les administratifs… (une cinquantaine de personnes, voire plus, sont impliquées dans chaque transplantation).

Il faut aussi pouvoir compter sur l’appui d’autres humains pour achever « l’œuvre » de transmettre l’organe qui sauve. Le receveur a besoin de beaucoup d’amour : de son conjoint ou de sa conjointe, dont la patience est un soutien très important dans les moments de doute et de douleur ; de ses parents, dont le dévouement et la foi en la guérison sont des piliers de force ; de ses enfants, dont la joie de vivre et l’espoir lui fournissent la volonté de se battre pour assurer leur avenir.

Nonobstant, cela ne suffit encore pas. Le transplanté doit assurer le retour au quotidien. Pour ma part, la confiance que m’ont témoignée mes confrères, mes assistantes, le personnel de la clinique Saint-Charles où j’exerce et les prières de la congrégation des Sœurs de Saint-Charles ont joué un rôle inoubliable. Tout cela a été très précieux. Pourtant, il m’a fallu encore plus. Ce « plus », ce sont mes patients qui me l’ont apporté par leur confiance inconditionnelle : je suis un chirurgien comme un autre.

En portant cette flamme olympique, je me sens comme un athlète bénéficiant d’une nombreuse équipe derrière lui. Cela peut évidemment paraître excessif. Pourtant, j’ai l’impression de rejoindre la communauté des athlètes olympiques, sans doute parce que leurs exploits font miroir à ma volonté inébranlable de promouvoir la nécessité du sport pour tous ? Peut-être parce que chirurgien, transplanté cardiaque depuis 43 ans avec un seul greffon, je suis fier d’être l’un des rouages du génie de la santé et le témoin vivant du progrès et du changement de la condition humaine.

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Dr Michel Corniglion, chirurgien transplanté du cœur, vice-président de France Adot (fédération des Associations pour le don d’organes et de tissus humains)

Source : Le Quotidien du Médecin