Au décours d’une réunion très confraternelle (médecins libéraux et hospitaliers étaient réunis), nous avons pu discourir sur différents sujets qui nous étaient chers. Une consœur rattachée au service des urgences a pris la parole, et son discours nous a réellement émus. Outre le fait que je la connaisse parfaitement, sa prise de position m’a quelque peu surpris.
Elle a expliqué que les effectifs médicaux étaient en grande souffrance dans son service compte tenu de la charge de travail, mais aussi du poids des années de nombreux membres de cette équipe, ce qui n’améliorait pas les difficultés rencontrées journellement. Cette dernière nous a, par la suite, raconté les péripéties qu’elle avait vécues quelques jours auparavant.
Elle devait prendre en charge un arrêt cardiovasculaire au domicile d’un patient, mais concomitamment une seconde urgence vitale s’est présentée au même moment. N’ayant pas terminé la prise en charge du premier appel, elle a été contrainte de partir pour aller voir la seconde sur ordre de sa hiérarchie. Cette situation l’a quelque peu choquée, car elle a eu l’impression de ne pas avoir fait un travail correct.
En parallèle en écoutant le ton de sa voix, et sa résignation vis-à-vis de cet état de fait, son discours m’a fait penser qu’elle était épuisée moralement. Même si nous n’avons pas les mêmes idéaux sur un plan professionnel (elle est hospitalière, et je suis libéral), je ne peux qu’aider, et être solidaire de cette charmante collègue.
Étant également impliqué dans la prise en charge de patients au sein des urgences, il m’est fréquemment arrivé, avant ma prise de service, de noter les difficultés rencontrées par les confrères de cette structure.
Cette maltraitance institutionnelle est très dure à avaler
Ce qui est difficile à accepter, c’est de voir que ces médecins travaillent d’arrache-pied, et leur travail n’est jamais valorisé par les administratifs de tutelle. Cette maltraitance institutionnelle est très dure à avaler car elle dénote un mépris de ceux qui pourtant sont les piliers des hôpitaux. Comment travailler au sein d’un établissement hospitalier sans le recours aux médecins ?
Une maltraitance des hospitaliers, mais pas seulement !
Cette situation de mépris nous la rencontrons également chez les libéraux ; les mal-aimés de nos institutions car jugés responsables du trou financier de la Sécurité Sociale.
Très récemment, et après de longs mois de gestation, nous apprenons que la revalorisation des praticiens ne sera effective qu’à la seule condition de faire des économies sur différents plans : réduction de prescription d’arrêts de travail, moins d’antibiotiques sur les ordonnances, moins de prescriptions d’examens biologiques et de bons de transports… Autrement dit cette logique très administrative ne tient pas compte du fait que ces actes ne sont pas effectués pour un enrichissement personnel, mais pour améliorer la santé du patient.
En fait nos organismes de tutelle pensent que nous prescrivons certains examens de manière inconsidérée, et sans avoir de raisonnement logique. De plus le directeur de la Cnam n’a eu aucun scrupule à demander aux médecins de devenir des stakhanovistes, et propose une grille hebdomadaire de travail de plus de 50 heures (grille qu’il peut proposer par ailleurs à ses agents qui apprécieront certainement). Bref une nouvelle fois on ne vient pas sur le terrain pour mieux appréhender la situation, et on se contente de mesures parfois considérées comme vexatoires.
Pourquoi on ne demande pas aux agents de la Sécurité sociale, qui ont été revalorisés sans aucune discussion préalable, d’avoir des objectifs chiffrés sur la fraude par exemple ? Pourquoi l’exécutif ne tance pas les organismes sociaux qui dépensent un argent fou à diffuser des publicités qui auront un impact trop limité (cas des lapins dans les cabinets médicaux) ?
Au-delà de toutes ces incohérences nous avons le professionnel de santé qui malgré les différents malaises de la société tente d’avoir le même idéal qu’auparavant : l’humanisme.
Aussi est-il important de le respecter, et de le choyer.
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