Le récent colloque annuel de la première fédération française d’associations féminines, le Conseil national des femmes françaises, s’est tenu autour notamment de la neurobiologiste Catherine Vidal et de la sociologue Caroline de Pauw, avec pour thème « La femme est-elle un patient comme les autres ? ».
Cela a été l’occasion de partager le baromètre 2024 du collectif Femmes de santé analysant la perception des Françaises sur leur santé. Il montre qu’elles minimisent leur état de santé. Au total, 1 008 femmes, majeures et représentatives de la population, ont répondu en ligne à un questionnaire CSA. Près de neuf femmes sur 10 se déclarent spontanément en très ou plutôt bonne santé alors même qu’un tiers d’entre elles rapportent par ailleurs un problème de santé grave ou moyennement grave. Il est difficile pour elles de parler de leur santé, même à un professionnel de santé (33 %), par honte mais aussi car elles ne le sentent pas assez à l’écoute, et encore plus à un proche (46 %), pour ne pas l’inquiéter ou par honte ou tabou.
En cas de maladie, six à sept femmes interrogées sur 10 sont satisfaites de leur prise en charge. Chez les 259 patientes insatisfaites, les causes avancées sont : le manque de professionnels de santé (64 %), un professionnel de santé pas assez à l’écoute (34 %), l’absence de traitement (20 %) ou un traitement pas assez efficace (17 %).
Les principaux critères d’une bonne prise en charge chez les femmes du panel sont d’avoir un médecin traitant (64 %), d’être suivie par un professionnel de santé en qui elles ont confiance (62 %), puis le fait d’avoir un professionnel de santé à leur écoute (45 %) et qui délivre les bons traitements (44 %).
Discriminations dans l’accès aux soins
Outre les évidentes différences biologiques entre les femmes et les hommes (les fameuses « hormones ») et le poids central de la santé reproductive, la persistance des inégalités sociales de santé génère des discriminations dans l'accès aux soins des femmes et dans leur prise en charge médicale.
Ainsi, elles vivent six ans de plus que les hommes mais passent davantage d’années qu’eux en mauvaise santé, sans doute du fait de conditions de vie plus souvent dégradées, sources d’iniquités : plus grande précarité financière, monoparentalité, charge mentale, renoncement aux soins et violences sexuelles et/ou psychologiques. Prendre en compte ces aspects de la vie quotidienne des patientes est fondamental pour leur santé globale.
Les femmes vivent six ans de plus que les hommes mais passent davantage d’années en mauvaise santé
L’infarctus du myocarde est sous-diagnostiqué ou pris en charge avec retard chez les femmes par rapport aux hommes et les maladies cardiovasculaires constituent la première cause de mortalité féminine. En cause ici, des symptômes ou facteurs de risque quelquefois spécifiques et méconnus, mais aussi une perte de chance en cas de stéréotypes – qu’il arrive aux soignant·es de partager avec la population générale…
Le suicide fut encore, en 2024, la première cause de décès maternel périnatal. Les femmes sont plus à risque de troubles de l’humeur, d’anxiété ou de dépression, mais moins susceptibles que les hommes de recevoir des soins de santé mentale. Elles sont aussi plus à risque de se voir prescrire des traitements inappropriés.
Les répercussions du travail sur la santé des femmes sont encore sous-estimées alors que, dans le baromètre Femmes de santé, plus de la moitié des Françaises trouvent que l’entreprise n’agit pas en matière de prévention santé au travail, et sept sur 10 qu’il est toujours difficile de concilier maternité et travail. Les troubles musculosquelettiques et les risques psychosociaux prédominent chez les femmes mais les données manquent sur le risque de cancer, par exemple dans le secteur du nettoyage (perturbateurs endocriniens) ou en travail de nuit (cancer du sein). Au retour au travail après un cancer, le risque de stigmatisation est plus élevé chez les femmes. Renforcer les dispositifs de soutien et sensibiliser les employeurs aux spécificités des cancers féminins s’avère primordial.
Des stéréotypes inconscients
Si, bien évidemment, aucun·e de nous n’a de pratique volontairement nuisible à l’encontre des personnes qu’il ou elle prend en charge, nous ne devons pas sous-estimer nos potentiels stéréotypes, le plus souvent inconscients, apparaissant à l’évocation de certaines caractéristiques de nos patient·es.
Prendre en charge une femme nécessite, comme pour tout patient, la prise en compte de ses spécificités biologiques, psychologiques et sociales mais aussi une approche différenciée dans beaucoup de domaines. Enfin, avoir pleinement conscience de ses propres stéréotypes vis-à-vis du « sexe faible » est un changement de pratique significatif susceptible d’améliorer les soins prodigués au quotidien.
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