Courrier des lecteurs

L'échec de la science

Publié le 15/05/2020

La crise du coronavirus démontre une chose : nous n’étions pas préparés. Plus exactement, les politiques n’étaient pas préparés. Car ce sont eux qui ont cette mission de responsabilité anticipative pour éviter les dégâts sévères en tous genres, immédiats ou à distance. Alors, la belle excuse ! C’est la faute de la science !

Non, ce n’est pas de la faute de la science. La science donne des résultats, et c’est l’interprétation des résultats qui est fautive. Ce n’est pas la même chose. Faute de certains « scientifiques » atteints du syndrome de Peter, mais aussi faute des politiques qui, ensemble, confondent probabilité et certitude, en s’illusionnant pour ne pas devoir prendre de risques dans un monde où le risque zéro n’existe pas.

Un des principaux outils de la science est la statistique, et à ce niveau on a inventé il y a un siècle (Fisher) la notion de p-valeur (à valeur arbitraire de 0,05 ou 1/20, c’est plus parlant) pour juger si une déviation par rapport à un modèle est significative ou non ; ou « intervalle de confiance à 95 % ».

Si la déviation n’est pas bonne ( > 0,05) soit l’expérience est mal conduite, soit l’hypothèse étudiée ne vaut rien ; en aucun cas une valeur < 0,05 ne veut dire que l’hypothèse formulée est valide si les résultats de l’expérience sont favorables !

Confusion entre certitude de la validité de la mesure dans l’expérience et incertitude obligatoire de la validité de l’hypothèse. D’autant qu’il est facile de tricher pour faire entrer dans le cadre… Cet outil p-valeur impose la répétition de l’expérience « n » fois pour diminuer l’incertitude de la validité de l’hypothèse. Alors, quand on voit que les politiques (entre autres) prennent des décisions « basées sur la science » souvent à partir d’une seule étude, généralement avec de faibles échantillons, cela laisse rêveur ; le 14 mai, les politiques sauront, mais pas les scientifiques !

En 2015, 100 expériences majeures en psychologie sociale ont été reproduites à visée de test… 36 % seulement ont pu être reproduite sans ambiguïté ! Cela fait froid dans le dos. Une autre erreur courante est de considérer comme faux ce qui n’a pas été démontré ; comme si, nous en Occident, nous étions les experts de la certitude !

Alors on nous dit que le masque ne sert à rien ; confusion entre la nécessité médico-légale en milieu hospitalier (et en certaines circonstances) et la vie de tous les jours. Chacun sait qu’un test bactérien favorable en boîte de Petri peut s’avérer faux en pratique, l’inverse aussi. Le masque en tissu ne sert à rien, encore moins un simple foulard. Peut-on publier les études qui démontrent cela ? Le bon sens veut que si deux personnes ont chacune un foulard devant la bouche, il y a peu de chance qu’un postillon atteigne le foulard d’en face, sauf à vouloir une certitude d’efficacité à 100 % de celle des FFP2, mais alors, il faut tout de suite interdire 95 % des molécules médicamenteuses. Sans oublier qu’il y aurait moins de surfaces contaminées que les névrosées que l’on fabrique à la pelle devront obsessionnellement nettoyer ! Combien de temps un virus reste contaminant quand il est sur une surface ? On entend tout et son contraire, faut-il pour le savoir avec certitude aller sur la page du site .gouv qui a été fermée sans préavis ni explication moins de 48 heures après son ouverture ?

C’est oublier qu’il existe deux mécanismes de défense contre les agents infectieux, le premier de type non spécifique face à une dose potentiellement contaminante donc faible (mais qui immunise peut-être aussi par des mécanismes que l’on n’a pas étudiés, ce qui pourrait expliquer pourquoi la grande majorité de la population n’est pas malade face à certains types germes), et le deuxième, immunologique face à une contamination massive ou sur un terrain prédisposé ; combien de postillons faut-il recevoir pour enclencher le deuxième mécanisme ? Bien malin celui qui pourra répondre autrement qu’au doigt mouillé. Et si les « virus » ne volent pas, comme il a été dit, pourquoi devoir aérer les pièces, non pas en permanence, mais à intervalles réguliers, là encore estimés au doigt mouillé ? On nous a dit et répété aussi que le personnel soignant hospitalier contaminé l’avait été plus par contamination extérieure qu’en milieu protégé ; peut-on montrer les études, où est-ce une affirmation gratuite dont le seul but est de se disculper ?

Bref, on le voit, il y a plus d’inconnues que de probabilités au niveau argumenté, encore moins de certitudes, alors que les politiques d’aujourd’hui disent fonder leur politique paralysante et destructrice uniquement sur des soi-disant certitudes scientifiques ! Il serait temps de revenir les pieds sur terre, gouverner c’est prendre des risques correctement évalués, mais aussi et surtout, en notre temps actuel, être capable d’expliquer ses choix avec une argumentation qui puisse être relayée. On en est très loin. Force à croire que si on ne sait expliquer, c’est qu’on ne sait p-évaluer. Le « manque de pédagogie » régulièrement invoqué paradoxalement « par les spécialistes de la communication » n’est alors pas un argument valide.

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Dr Yves Adenis-Lamarre, Angoulême (Charente)

Source : lequotidiendumedecin.fr