La recertification n'est pas la tasse de thé des généralistes. Selon l'enquête exclusive menée sur legeneraliste.fr et à laquelle ont répondu 664 médecins, la profession rejette majoritairement la future mise à jour des compétences qu'elle redoute. Elle ne veut pas le financer et n'en perçoit pas l'intérêt. Les généralistes réclament un pilotage du dispositif par la profession et veulent à tout prix éviter un système sanctionnant.
La recertification n'a pas la cote ! Beaucoup d'incertitudes entourent la future obligation, sa périodicité et ce qu'elle va recouvrir. Qui doit la piloter et comment la financer ? Une chose est sûre, les médecins généralistes ne sont absolument pas demandeurs de la recertification. 53 % des 664 omnipraticiens qui ont répondu à notre enquête en ligne* sont opposés à cette nouvelle obligation, qu'Agnès Buzyn a érigé en priorité. Et ce avant même de savoir en quoi consistera cette méthode d'actualisation des compétences – la mission confiée au Pr Serge Uzan, ancien doyen de Paris VI, doit remettre en septembre un rapport précisant les modalités et le calendrier de la réforme. Un tiers des généralistes défendent en revanche cette évolution.
L'intégralité des résultats sera présentée le vendredi 6 avril lors d'une table ronde organisée en partenariat avec Le Généraliste lors du Congrès de la médecine générale France, au Palais des Congrès à Paris (salle 241)
La crainte d'une nouvelle contrainte
52 % des répondants redoutent ainsi l'application de cette nouvelle procédure. Les praticiens la vivent davantage comme une nouvelle « contrainte administrative » (39 %), une remise en cause de leurs compétences ou de leur diplôme (25 %) que comme un outil de formation continue (18 %) ou une évolution nécessaire (17 %).
Autre signe d’un rejet prépondérant, 56 % souhaitent, si la recertification venait à voir le jour, que sa périodicité soit la plus large possible (de 7 à 10 ans), permettant ainsi à un grand nombre d'entre eux d'y échapper. Un quart des répondants seraient prêts à répondre de leurs compétences tous les quatre ou cinq ans et seuls 12 % estiment que le délai de six ans – défendu par l'Ordre – serait le plus adapté.
Pas prêts à payer
S’il semble établi que les praticiens seront tenus de participer au financement de la recertification, les généralistes ne sont pas prêts à mettre la main au porte-monnaie. Seuls 6 % pensent que les médecins doivent financer la procédure. 72 % estiment qu'il revient à l'État de régler la recertification et 16 % proposent de mettre l'Assurance maladie à contribution.
79 % souhaitent ne rien payer, 12 % sont prêts à verser moins de 200 euros par an, 5 % jusqu'à 500 euros et seulement 3 % davantage « si le dispositif en vaut la chandelle ».
Pour un pilotage par la profession
Un autre élément apparaît très clairement dans les résultats de cette enquête : à l'instar de ce que réclament les syndicats de médecins libéraux, les généralistes souhaitent que la recertification soit pilotée par leur Collège professionnel (53 %). Seuls 24 % des sondés veulent voir l'Ordre des médecins aux commandes d'un système d’actualisation des compétences et 12 % sont prêts à le confier à l'Université. Sans surprise, les praticiens n'imaginent pas un système aux mains du ministère de la Santé et de l'Assurance maladie, ni même de la Haute autorité de santé ou de l'ANDPC.
Peu d'attentes sur la qualité des soins
Personne ne sait aujourd'hui ce que recouvrira finalement la recertification si elle se met en place (ni si le dispositif portera d'ailleurs ce nom, critiqué par une partie de la profession). Pour autant, les généralistes estiment que les actions de DPC, les diplômes universitaires ou la maîtrise de stage devraient leur permettre de valider la procédure.
Les médecins de famille doutent de la finalité de la recertification des compétences. 61 % estiment que le futur dispositif ne sera en rien un gage de qualité et de sécurité des soins (35 % pensent le contraire). Ces résultats s'expliquent sans doute par l'instabilité réglementaire : depuis 1995, plusieurs systèmes obligatoires (FMC, EPP, DPC) se sont succédés, sans réel état des lieux sur l'amélioration de la qualité des pratiques.
Un système à valoriser ?
Les médecins se divisent davantage sur la valorisation éventuelle des confrères ayant passé la procédure avec succès. Une petite moitié (47 %) estime que les praticiens recertifiés devraient bénéficier d'avantages tandis que 39 % jugent le contraire, 14 % ne se prononçant pas. Les généralistes souhaitant un avantage évoquent une valorisation des honoraires ou du forfait structure (43 %), une diminution des cotisations sociales (22 %), une moindre prime d'assurance (12 %) ou une simple mention sur la plaque (10 %).
Le refus des sanctions
Même s'ils sont habitués depuis plus de vingt ans aux systèmes de FMC, d'évaluation des pratiques professionnelles puis de DPC, qui ont tous été réglementairement opposables mais sans réelles sanctions, les généralistes refusent que la future actualisation des compétences soit obligatoire pour l’exercice. Trois sur quatre estiment qu'il ne faut pas interdire d'exercer aux praticiens n'ayant pas validé leur recertification.
Une obligation diversement appréciée des syndicats
Si la jeune génération défend le principe d'une recertification des médecins, les syndicats de praticiens libéraux seniors sont un peu moins unanimes. Initialement hostiles à un nouveau dispositif obligatoire d'actualisation des compétences venant se surajouter au DPC, certaines organisations ont revu leur position. Depuis son Université d'été, la CSMF défend le principe d'une recertification à condition que la profession la pilote. « Il faut pouvoir garantir à la population la mise à jour de la connaissance de tous les médecins », a déclaré son président le Dr Ortiz, quelques jours après sa réélection. La composition du groupe de travail du Pr Uzan, chargé de plancher sur l'avenir du dispositif, a agacé les syndicats séniors. Seules les organisations d'étudiants et d'internes ont en effet été conviées aux côtés de représentants hospitalo-universitaires, des collèges professionnels, de la HAS ou de l'Ordre. Le SML s'est inquiété d'une prise de contrôle des hospitalo-universitaires sur la formation continue et redoute de « nouvelles contraintes pour les médecins ». Dans un contexte de pénurie médicale et d'épuisement professionnel, la recertification n'est pas une priorité, selon l'UFMLS. « Si la formation continue des médecins libéraux est une nécessité et se trouve au centre d’un exercice de qualité, elle doit rester aux mains de la profession, volontaire et non sanctionnante », écrivait récemment son président, le Dr Jérôme Marty.