L’Association Soins aux professionnels de santé (SPS), qui vient en aide aux praticiens en souffrance psychique, se lance un nouveau défi pour 2018. Partant des chiffres alarmants de son enquête sur les idées suicidaires des soignants, la structure présidée par le Dr Éric Henry, généraliste breton, se lance désormais à l’assaut des déserts médicaux en zone rurale. « Il nous paraît légitime de prendre ce dossier en charge étant donné que 39 % des professionnels de santé vivant en milieu rural ont déclaré avoir eu des idées suicidaires dues à leur travail au cours de leur carrière », a rappelé l’ancien président du SML. Dans les zones urbaines, ce chiffre tombe à 18 %.
D’ici à la fin de l’année, l’association souhaite fédérer les professionnels, mais aussi les collectivités territoriales et les acteurs de la télémédecine autour d’un projet de plateforme nationale à destination des patients isolés ayant des difficultés d'accès aux soins de premier recours. Le dispositif s’adressera en priorité aux personnes âgées souffrant de pathologies chroniques et aux personnes handicapées.
Aides aux zones sinistrées
Pour cela, SPS lance un travail d’identification d’une cinquantaine de territoires les plus sinistrés, environ cinq par région. Concrètement, ce que l’association appelle le « Care des territoires oubliés » sera une plateforme d’écoute nationale gérée par des médecins coordinateurs, sur le modèle du centre 15. Le patient qui n’a plus de médecin traitant pourra contacter la plateforme. Il tombera sur un médecin qui le redirigera vers un médecin, une infirmière, un lieu de télémédecine proche de chez lui... Il pourra envoyer une ambulance dans les cas les plus graves ou simplement faire du conseil par téléphone. La différence avec le centre 15 est que la plateforme SPS s’adresse à tous les soins non programmés hors urgences. « On ne peut plus accepter que le 15 soit ainsi débordé par d’autres appels que les urgences vitales », s’indigne le Dr Henry.
La télémédecine en appui
Le patient pourra soit faire appel à la plateforme par téléphone soit aller directement sur le site Internet dédié. Ce dernier recueillera via un questionnaire précis les données du patient. Ces dernières seront ensuite analysées par le médecin coordinateur pour poser un premier diagnostic. Les plateformes de e-santé et d’intelligence artificielle Semdee et Medvir ont travaillé sur le développement de ces questionnaires. SPS appelle par ailleurs les plateformes de télémédecine à s’articuler toutes ensemble au niveau national pour apporter une réponse locale à tous les patients dans le besoin. L'association s'appuie par ailleurs sur le centre d’expertise en e-santé CATEL. « Le but n’est pas de faire de la télémédecine offshore à Paris mais bien de géolocaliser le patient et lui apporter une réponse dans son territoire », ajoute le Dr Henry.
Le projet compte également sur l’appui des infirmières, kinés, et autres professions « prescrites » dans ces territoires, qui font eux aussi face à l’absence de médecins. « On se retrouve parfois face à un patient souffrant et sans médecin traitant et on se sait plus quel médecin appeler, témoigne Marilyne Pecnard, infirmière et présidente du conseil de l’Ordre d’Indre-et-Loire. Nous prenons de plein fouet la colère des familles et la profession ressent un grand sentiment de solitude. » Les acteurs partenaires attendent beaucoup du projet de décret encadrant les infirmières en pratique avancée. « On doit sortir des corporatismes de chaque profession et de l’immobilisme de l’administration pour avancer », estime Vanik Berberian, président des maires ruraux de France et partenaire du Care.
Un financement à trouver
Concernant le financement, SPS compte sur un investissement de 5 000 euros pour chaque territoire en difficulté qui souhaite adhérer au projet afin de lancer la plateforme. Une commune, une communauté de communes, un département… pourra se saisir de la problématique des déserts. L’association doit également recruter des médecins coordinateurs sur la base du volontariat et les rémunérer pour cette activité. « Pour les pathologies aiguës effectuées en visio, on peut imaginer qu’ils soient payés grâce aux tarifs de télémédecine actuellement négociés, pour le suivi des patients lourds, je demande un forfait de 420 euros par an et par patient, explique le Dr Henry, ce qui correspond à 12 visites à 35 euros « que l’Assurance maladie ne dépense plus dans ces territoires car les patients n’ont plus de médecin traitant ou ne bénéficient plus de visites à domicile », ajoute-t-il. SPS espère mettre en place un numéro national et le site internet avant la fin de l’année 2018 et appelle « tous les acteurs à se mobiliser car il y a urgence », conclut le Dr Henry.
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