Selon le député Gérard Bapt, « nous vivons un moment critique de l’Histoire car il est le fruit de la convergence de plusieurs phénomènes systémiques tendant à bouleverser profondément nos habitudes. Jean Monnet, visionnaire et cofondateur du concept européen affirmait en 1954, « nous n’acceptons le changement que dans la nécessité et ne voyons la nécessité que dans la crise ». Je crois qu’il nous faut prendre garde qu’il ne soit pas trop tard.
C’est une révolution
Vous le savez tous, nous n’avons pas encore émergé de la crise financière mondiale et des risques nouveaux apparaissent. La crise des finances publiques, la dette, le chômage nous obligent à rendre plus efficaces les investissements publics et notamment sociaux pour continuer à protéger les plus faibles d’entre nous. Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, nos aînés, avec Pierre Laroque, ont voulu garantir un accès aux soins de qualité pour tous. L’espérance de vie était à l’époque inférieure à 60 ans. Aujourd’hui elle s’établit à 80 ans en moyenne, il s’agit d’offrir un accès à la santé pour tous et il faudra compter avec les seniors. Comme la plupart des Nations occidentales, notre pays vieillit et 50 % des Français auront plus de 60 ans en 2030. Qui dit vieillissement, implique plus de pathologies chroniques. Cette chronicité représente, dès à présent plus de 11 millions d’affections de longue durée pour une charge collective supérieure à 190 milliards d’euros par an. Face à ces défis, la moyenne d’âge des médecins s’établit à 55 ans et on assiste à l’apparition de « déserts médicaux » qui ajoute à la difficulté d’une prise en charge de qualité. Parallèlement à ces bouleversements démographiques et épidémiologiques, nous sommes entrés dans le monde du calcul intelligent massif, de la dématérialisation digitale et bientôt de « l’ubérisation » des pratiques.
La santé ne fera pas exception, soumise qu’elle est aux influences sociales, aux pressions techniques et aux développements des réseaux sociaux. Nous ne sommes qu’au début de cette révolution annoncée. Nous passons du monde de l’avoir et de la confiance à celui de l’accès et de la traçabilité. Les volumes de données produits, en 2015, correspondent à la totalité des informations échangées depuis l’invention de l’écriture. L’information est devenue immédiate, imposant le temps réel donc des débits grandissants. Il s’agit désormais d’échanges en gigabit/s. Et la France, si souvent prompte à se diviser, se réunit pourtant autour de la solidarité sanitaire et sociale, d’un modèle qu’il faut adapter, dans le contexte, durable, de contraintes budgétaires, en profitant des opportunités organisationnelles et techniques qui s’offrent aujourd’hui.
Besoins et usages
Mais il faut partir des besoins et des usages. Ne reproduisons pas un certain nombre d’erreurs que chacun a à l’esprit ! Priorité à l’usage et aux pathologies chroniques ! Et un effort historique doit être porté sur la prévention et la détection précoce. Une information neutre et qualifiée du patient constitue un axe structurant pour passer du soin à la Santé, avec l’implication des patients dans la gestion de leur propre santé. Les livings Labs, c’est-à-dire la co-conception de solutions, se multiplient et leurs actions doivent être encouragées. L’étude géographique montre que l’accès au système de soins est très majoritairement le fait de patients résidants dans un rayon de 50 km. C’est toute la légitimité des territoires de soins numériques (TSN) et des groupements hospitaliers de territoires (GHT). Dans ce contexte, la convergence et l’interopérabilité des systèmes d’information doivent permettre plus de qualité, plus de réactivité et plus d’efficience. Les technologies numériques ont toute leur place : celle d’un outil d’une puissance inégalée pour éclairer les décideurs, les soignants, les gestionnaires et... les patients. Elles permettent de lutter contre les fraudes et les gaspillages, autant de pertes de chances pour les patients, puisque ces ressources ne sont pas mises à leur disposition. Ces technologies peuvent conduire à la réalisation d’économies intelligentes comme notamment sur les transports sanitaires, l’énergie dans les établissements, les parcours de santé. Autres points importants d’optimisation, les systèmes d’alertes sanitaires, les plans blancs, les rappels de rendez-vous des malades dont quelques 25 % ne seraient pas honorés, avec des coûts induits considérables.
Passer du soin à la santé exige l’implication de nouveaux acteurs et de multiples décloisonnements. Le monde de la santé doit apprendre à parler au médico-social et aux administrations. La dépendance est un champ exemplaire de la nécessité de la coordination de l’ensemble des acteurs.
Données de santé
Le sujet de l’accès aux données a donné lieu à beaucoup de débats notamment à l’occasion de l’examen du PLFSS pour 2016 et de la loi de santé aux articles 47 et 48. Il est nécessaire que les données publiques et anonymes soient à disposition de la Recherche et des études. Pour autant, le caractère privé des données personnelles n’est pas un sujet qui peut être discuté. Il doit être protégé contre des utilisations commerciales ou marketing non régulées et abusives. En revanche, l’analyse de données massives peut bénéficier grandement à la recherche clinique et à l’épidémiologie, permettre des décisions rapides et fiables, donc favoriser l’innovation et la Recherche et Développement. L’observation des tendances technologiques et des usages dans les autres secteurs montrent que la santé ne fera pas exception. Ainsi, on annonce à échéance de vingt ans, la transformation voire la destruction de près de la moitié des métiers que nous connaissons aujourd’hui. Le médecin de 2015 n’aura que peu de rapport avec celui de 2030 qui sera un coordonnateur, un psychologue, un facilitateur aidé par des outils numériques de coordination.
Sécurité fille aînée de l’information numérique
Mais tout système, même le plus puissant, expose à des failles : la sécurité des systèmes d’information est un élément incontournable en numérique de santé. « Accéder à la bonne information, sous la bonne forme, au moment adéquat », tel est l’objectif. Tout développement informatique doit dès lors comporter une exigence de sécurité vérifiable. Les incidents de sécurité ne sont pas une maladie honteuse mais la dissimulation en serait une. Aussi, la loi de santé récemment votée contribue à l’éviter : nous serons vigilants sur les décrets d’application. Il en va de même pour l’hébergement de données de santé qui trop souvent, donne lieu à des interprétations abusives de la loi. Aussi un amendement à la loi de santé institue la coresponsabilité des hébergeurs agrées en ce qui concerne l’accès aux données hébergées.
Donner du sens
L’activité du GE « Numérique et santé » de l’Assemblée nationale m’a permis de rencontrer de nombreux acteurs de Santé, qu’ils représentent les administrations, les patients, les chercheurs ou les industriels.
J’ai acquis une conviction. La France défend un modèle solidaire enviable même si imparfait. Dans le même temps la France foisonne d’initiatives numériques intelligentes. Ces solutions pour beaucoup sont peu onéreuses si on les compare à leurs cousines américaines. Mettons-les au service de la santé publique, de la qualité des soins et de l’efficience.
Nous devons donner priorité aux besoins épidémiologiques liés au vieillissement et la chronicité des pathologies, utiliser les technologies numériques dans le respect de la vie privée et de la sécurité. Ainsi nous pourrons, à la fois rendre un grand service à la santé et à notre système de prise en charge solidaire, mais également construire une filière industrielle performante et ouverte à l’internationale.
C’est tout le sens de ce colloque et des Prix Blaise Pascal qui récompensent la performance et une certaine idée de l’éthique en santé. »
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