Depuis que le gouvernement d’extrême droite a décidé de contester la loi régionale sur le suicide assisté adoptée le 11 février par la Toscane, une première en Italie, le débat sur la fin de vie est à nouveau sur le devant de la scène. Selon un sondage réalisé au printemps par l’institut de recherches SWG, 84 % d’Italiens seraient favorables à une loi sur l’aide à mourir. Mais trancher n’est pas simple pour le parlement italien en raison des pressions exercées sur les députés par les mouvances catholiques proches du Vatican. Pourtant, certaines voix se sont élevées durant les dernières années. Ainsi, il y a deux ans, le Pr Mario Sabatelli qui dirige le service SLA de la polyclinique catholique Gemelli, l’hôpital des papes a affirmé que tout en s’appuyant sur « le code déontologique, les lois et l’éthique, il y a un moment où il faut choisir entre c’est fini et la vie artificielle ».
Depuis le début des années 2000, la question « faut-il pouvoir mourir dans la dignité ? », agite l’Italie. En 2009, le débat a pris un tournant important avec plusieurs affaires extrêmement médiatisées. Il y a d’abord eu le drame d’Eluana Englaro, une Italienne plongée pendant vingt ans dans un coma végétatif après un grave accident de la route. Durant tout ce temps, son père s’est battu pour obtenir l’interruption de l’alimentation artificielle. En 2009, la justice italienne a finalement autorisé l’interruption des soins. En 2017, les deux chambres ont adopté une loi sur le testament biologique (ou directives anticipées) mais sans pour autant légaliser l’euthanasie ou le suicide assisté. Cette année-là, une autre affaire mobilise l’opinion publique et relance le débat lorsqu’un Italien tétraplégique décide de se rendre en Suisse pour bénéficier de l’aide à mourir. Deux ans plus tard, la Cour constitutionnelle décide de reconnaitre dans certains cas particuliers, la légitimité du suicide assisté.
Commission pluridisciplinaire
Depuis, plusieurs régions, comme notamment la Vénétie et la Lombardie, ont bien essayé de trouver un terrain d’entente avec les différentes sensibilités politiques représentées dans les conseils régionaux pour pouvoir appliquer ce droit. Hélas sans résultat. À l’exception toutefois de la Toscane qui a approuvé le 11 février dernier une proposition de loi d’initiative populaire intitulée « Liberi subito » (Libres immédiatement), promue par l’association Luca Coscioni qui aide les personnes condamnées et souhaitant abréger leurs souffrances. Adopté avec 27 voix favorables du centre gauche et 13 voix contre de la droite et l’extrême droite, le texte a toutefois été modifié par douze amendements afin que la norme soit conforme aux décisions prises par la Cour constitutionnelle en 2019.
Pour bénéficier de l’accès au suicide assisté dans cette région, les patients doivent être atteints d’une pathologie irréversible provoquant des souffrances physiques et psychologiques insupportables et dépendre aussi de traitements de maintien en vie. Enfin, ils doivent être conscients et capables d’exprimer leur volonté.
Chaque demande doit être examinée par une commission médicale pluridisciplinaire composée d’un médecin palliatif, un neurologue, un psychiatre et un psychologue, un anesthésiste, un infirmier. Sa mission : examiner les demandes dans un délai de vingt jours après leur dépôt et d’un mois pour rendre sa décision. La loi, qui est entrée en vigueur le 14 mars dernier, permet au patient – qui peut décider à tout moment de mettre fin à sa démarche – de choisir de mettre fin à ses jours à domicile ou dans un établissement sanitaire qui fixera les modalités de suicide assisté en ce qui concerne la substance et son absorption. La procédure est effectuée par un médecin mais comme pour l’avortement, la loi reconnaît aux soignants, le droit d’invoquer la liberté de conscience. Sur le plan économique, la région toscane a également débloqué une enveloppe annuelle de 10 000 euros sur trois ans pour la mise en œuvre de la loi sur la fin de vie.
Certitude thérapeutique et devoir de solidarité
Pour le Dr Alessandro Sabatini, le droit de mourir représente un devoir de solidarité et une certitude thérapeutique comportementale pour le système de santé « En 2019, la Cour constitutionnelle avait demandé au Parlement de légiférer et de combler le vide au niveau du droit ; aujourd’hui, il serait préférable qu’un accord soit trouvé au niveau parlementaire pour éviter que les magistrats soient obligés d’intervenir au cas par cas », estime ce généraliste. Mais dans un pays à l’enracinement catholique puissant, où huit gynécologues et six anesthésistes sur dix se déclarent objecteurs de conscience et refusent de pratiquer l’IVG, la mise en application d’une loi sur la fin de vie risque de se heurter aux réticences des médecins.
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