« Sommes-nous juste un guichet payeur ou a-t-on un vrai récit de couverture de l’aléa de la vie ? », a interrogé mercredi 13 mars lors d’un point presse le président de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF). Éric Chenut s’est montré offensif, dans un contexte compliqué pour les finances publiques, qui promettent un budget Sécu extrêmement contraint pour 2025.
En ce sens, le président de la Mutualité appelle aujourd’hui à une « grande concertation nationale » avec l’État, les professionnels de santé et les associations de patients pour « réinterroger le périmètre et les contenus du contrat responsable et solidaire ». En effet, ce type de contrat, qui garantit notamment le 100 % santé en optique, dentaire et soins auditifs entraîne des dépenses importantes pour les complémentaires et surtout des dépenses nouvelles, a-t-il expliqué. « Quand le contrat responsable et solidaire a été mis en place il y a vingt ans, il était destiné aux soins essentiels. Depuis, on y a ajouté des choses. S’agit-il toujours de l’outil dont on estime qu’il est là pour solvabiliser les soins essentiels ou est-il autre chose ? Le cas échéant, il faut réfléchir à comment on le finance ». Car pour les retraités ou les jeunes, le financement du contrat n’est pas pris en charge par un employeur, ce qui peut, parfois, les inciter à souscrire à d’autres offres comme les mutuelles communales, dans un contexte où les complémentaires santé augmentent nettement leurs tarifs. En somme, « il y a des choses qui marchent bien, d'autres qu'il faut avoir le courage de requestionner », a-t-il déclaré.
Pas d’opticiens philanthropes !
Plus précisément, Éric Chenut appelle à faire un bilan critique du 100 % santé, cinq ans après sa mise en place. En ligne de mire notamment : l’optique, avec la possibilité de changement de lunettes tous les deux ans, sans que ce soit « forcément nécessaire ». Car, a-t-il appuyé encore, les mutuelles « ne sont pas là pour solvabiliser un accessoire de mode, mais pour couvrir un aléa de santé ». Remonté contre les publicités offensives des opticiens, dont il a sous-entendu le nombre excessif, le président de la FNMF a aussi dénoncé « les logiques marketing » en santé : « Si on propose une deuxième paire à un euro, c’est que la première n’est pas au bon prix ! Il n’y a pas de philanthropes… Il faut arrêter de prendre les gens pour des idiots », s’est-il agacé.
Autre grief : le 100 % santé a conduit une augmentation de la fraude, a-t-il rapporté, notamment des audioprothèses pour des patients qui n’auraient jamais vu de médecin, réglées en tiers payant. Les travaux avec Ségur n’avanceraient pas au rythme escompté a-t-il confié, regrettant un carcan législatif trop serré, ne permettant pas de croiser les données.
Vers un cofinancement du forfait médecin traitant ?
Tandis que les négociations conventionnelles entrent dans la dernière ligne droite, Éric Chenut a commenté les discussions en cours en marquant son terrain. Il a affirmé que « le » sujet de la Mutualité est la fusion des forfaits en un « forfait médecin traitant » réévalué, qui, individualisé et modulé selon certains critères, leur permettrait de le cofinancer et de pousser des solutions de tiers payant.
Le patron de la Mutualité admet aussi « être très attendu » sur la prise en charge des dépassements d’honoraires. Mais difficile d’y répondre pour lui, qui préfère « réfléchir en interprofession ».
Sceptique à l’idée d’économiser les ALD
Interrogé enfin sur l’actualité, Éric Chenut s’est montré sceptique face aux pistes d’économies envisagées par le gouvernement, notamment celles concernant les affections de longue durée (ALD), comme évoquées par Bruno Le Maire et confirmées au Quotidien par Ségur. « Ce n’est pas comme cela qu’il faut piloter ce genre de sujet ! Envoyer comme message aux personnes porteuses de maladie qu’elles vont être moins prises en charge ne nous semble pas de bon aloi », a-t-il expliqué. Pour lui, c’est même « un angle comptable court-termiste et technocratique ! Si l’on prescrivait et orientait mieux, nous ferions 25 milliards d’économies… », a-t-il glissé, s’appuyant sur un rapport de la Haute autorité de santé (HAS) sur l’efficience.
Idem sur le doublement des franchises sur les médicaments pour les patients. « Ce ne sont pas eux qui les prescrivent ! Est-ce que cela les responsabilise vraiment ? », a-t-il interrogé, soulignant la culture du médicament en France et appelant à une utilisation plus massive des logiciels d’aide à la prescription.
Le président de la Mutualité sera prochainement auditionné par les sénateurs, qui ont formé une mission d’information sur les complémentaires santé avec l’objectif d’analyser l’impact des mutuelles sur le pouvoir d’achat. Éric Chenut confirme avoir vu Catherine Vautrin « il y a quelques semaines » et annonce qu’il rencontrera Frédéric Valletoux « dans deux semaines ». L’occasion d’évoquer « l’outil » du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qu’il juge « inadapté pour les réformes dont le pays a besoin ».
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