À l’heure où se construit déjà le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2024 – dans un contexte budgétaire encore marqué par la crise sanitaire – la Cnam salue la dynamique encourageante avec un déficit du régime général en forte baisse dès 2023 (-7,1 milliards d'euros vs -21 milliards en 2022), baisse qui devrait se poursuivre dans les trois ans qui viennent (pour s'établir à 3 milliards en 2026).
Néanmoins, dans son traditionnel rapport dit « charges et produits » – remis au gouvernement et au Parlement pour préparer le prochain budget de la Sécu –, la Cnam table sur un train d'économies de 1,265 milliard d'euros, très proche de l'an passé (1,213 milliard), soit une légère hausse de 4,29 %.
Pour atteindre cet objectif, la Sécu met principalement l'accent sur l'efficience et la pertinence des soins (près de 700 millions d'euros, soit 55 % du programme de gestion du risque) ainsi que sur les contrôles et la lutte contre les fraudes (345 millions d'euros). Comme l'an passé, elle centre ses actions sur une approche par pathologies chroniques et, dans une moindre mesure, par population (230 millions en tout).
Les IJ, entre contrôles accrus et pédagogie
Les contrôles et la lutte contre les fraudes et abus « concourront au programme de gestion du risque sur 2024 pour 345 millions d’euros », indique le document que « Le Quotidien » s’est procuré.
Sur les arrêts de travail, la chasse aux prescripteurs très atypiques d'IJ, initiée par la Sécu va s’intensifier en 2024. Sont concernés notamment environ un millier de généralistes qui pourraient se voir « mis sous objectif ». Le rapport propose de limiter à trois jours maximum, non renouvelable, la durée des arrêts de travail prescrits à la suite d’une téléconsultation et d’engager des contrôles auprès des généralistes et spécialistes « prescrivant le plus d’arrêts de travail à distance à l’occasion de téléconsultations avec des personnes ne faisant pas partie de leur patientèle » (et qui n’auraient pas été vues au cabinet après l’examen à distance).
Sur les IJ toujours, la pédagogie n’est pas oubliée. Des entretiens de sensibilisation sont prévus auprès des 10 % de praticiens gros prescripteurs d’IJ qui restent toutefois en deçà du seuil déclenchant une éventuelle mise sous objectif. « Ces entretiens seront conduits dans une logique de dialogue pour inviter le prescripteur à s’interroger et modifier sa pratique », insiste le document. Côté assurés, la Sécu prévoit aussi un renforcement de la stratégie de contrôle des arrêts par ses propres services. Là aussi, la téléconsultation sera surveillée. Les patients qui multiplient les arrêts de travail obtenus en téléconsultation auprès de médecins différents recevront des courriers d'alerte, ou seront contactés par la Sécu. Côté employeurs, la Sécu va renforcer ses efforts d'information et de conseil auprès des entreprises concernées par un absentéisme atypique. Gain espéré en tout pour 2024 : 200 millions.
Transports partagé contre tiers payant
Cette approche se retrouve en matière de transports sanitaires. Les dépenses liées à ce poste ont atteint près de 5,5 milliards d’euros en 2022 (+7,2 % sur un an). La Cnam entend développer les « transports partagés » (15 % à 35 % d’économies par trajet) pour en faire la norme. La mise en place d’un dispositif incitatif « transport partagé contre tiers payant » pour « les trajets itératifs et non urgents » est proposée. Économies espérées, 85 millions d’euros.
Les mesures d'efficience sur le médicament pourraient aussi procurer 85 millions, notamment grâce au développement des biosimilaires. L'objectif est de faire passer leur taux de pénétration de 42 % à 80 %, là aussi via un dispositif de « tiers payant contre biosimilaires ».
Et à la suite d'un nouveau protocole d'accord avec les biologistes (santé publique et prix/volumes), la Cnam ambitionne d'économiser jusqu'à 150 millions l'an prochain.
Approche par pathologies : dépistage précoce du diabète
Grâce à une cartographie fine, la Cnam poursuit son approche structurelle avec des actions ciblées sur la prise en charge de pathologies chroniques (qui concentrent plus de 60 % des 185 milliards d’euros de dépenses). La Sécu met l'accent sur le diabète (60 millions de gain espéré), l'antibiorésistance (45 millions), l'insuffisance cardiaque, le cancer et la santé mentale. La stratégie dite « populationnelle » est axée cette année sur les jeunes et les personnes âgées (25 millions attendus). En tout, cette approche par pathologies et par population est censée procurer 205 millions d'euros d'économies.
Sur le diabète, la Cnam précise que 4,2 millions de personnes ont été prises en charge en 2021 (et 520 000 patients supplémentaires sont attendus d'ici à 2027). Grâce au classement des diabétiques en fonction de quatre niveaux de sévérité (sans complication jusqu'à insuffisance rénale chronique terminale ou séjour hospitalier avec amputation au niveau du membre inférieur), la Cnam constate qu'une part importante de ces patients ne sont diagnostiqués que lors de la survenue de complications. « Ce défaut de diagnostic précoce ne permet pas d'instaurer les traitements essentiels à la prévention des complications », peut-on lire. La Cnam propose d'instaurer « une campagne organisée de dépistage précoce du diabète de type 2 dans la classe 45-50 ans ». Parallèlement, elle souhaite intensifier ses actions en faveur d'une prise en charge précoce du diabète via le dispositif Sophia. Économie espérée : 60 millions.
Génération sans carie ?
La Cnam souhaite agir de façon plus ciblée sur les jeunes et les personnes âgées, deux populations stratégiques où se créent des inégalités de santé, sources de dépenses.
Chez les jeunes, outre un déploiement large de la vaccination contre les infections à HPV (6 400 nouveaux cas de cancer chaque année), la Cnam entend investir massivement sur la prévention bucco-dentaire pour faire émerger une « génération sans carie ». La France connaît des résultats modestes sur ce plan : 56 % des enfants sans carie à 12 ans contre 81 % en Allemagne.
L'autre défi concerne les personnes âgées de 65 ans et plus, polypathologiques et polymédiquées. La caisse propose de déployer auprès des médecins un outil spécifique de réduction de la iatrogénie médicamenteuse, en plus des dispositifs existants comme le bilan partagé de médication des pharmaciens. Dans ce cadre, l'Assurance-maladie rappelle que les équipes de soins coordonnées autour du patient (Escap) permettront une prise en charge pluripro de ces patients âgés afin d'éviter au maximum les interactions médicamenteuses.
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