Pourquoi le pays de Pasteur n’a-t-il pas créé de start-up spécialisée dans les nouveaux vaccins ?
Avec In Cell Art créé avec Jean-Marie Lehn, prix Nobel de chimie, nous avons collaboré pendant six ans avec Sanofi Pasteur et CureVac sur un projet financé par l’agence américaine Darpa où l’on utilisait notre système Nanotaxi® pour délivrer les ARN messagers dans des cellules afin de mettre au point des vaccins ARN.
In Cell Art s’est bien développée. Elle a été deux fois lauréate du prix FAST 50 délivrée par Deloitte en 2012 et 2013 pour récompenser une entreprise technologique dégageant une forte croissance. Mais en France le goulet d’étranglement apparaît au nomment de lancer des essais cliniques. Pour revenir à la pandémie actuelle, dans les premiers temps la stratégie vaccinale n’a pas été inclue initialement dans l’appel d’offres ANR flash Covid-19 lancé en mars. Elle vient toutefois d’être réintégrée.
Notons qu’il n’y pas eu encore d’essais cliniques sur le territoire national alors qu’ils ont été mis en œuvre en Allemagne, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Chine, en Australie. Les stratégies Institut Pasteur et Sanofi-Pasteur ne sont pas encore en phase I alors que Moderna ou l’université d’Oxford avec Astrazeneca débutent leurs phase III. Avec le dispositif des précommandes, une prime a été accordée à ceux qui ont commencé les premiers avec des technologies innovantes.
Le prochain pays de Pasteur sera-t-il la Chine ?
Quatre stratégies de vaccination ont été développées simultanément. La première repose sur un virus inactivé, technologie traditionnelle depuis cinquante ans utilisée dans le vaccin contre la grippe. La seconde a recours à une protéine recombinante où l’on produit la protéine spike, technologie que l’on retrouve dans le vaccin contre le papillomavirus et l’hépatite B. Dans la troisième stratégie, on utilise un virus recombinant de type adénovirus afin d’amener l’ADN codant la protéine S comme dans le vaccin contre le virus Ebola. Enfin dans la quatrième stratégie, l’ARN ou l’ADN est utilisé avec des systèmes chimiques ou physiques. C’est le seul pays au monde qui déploie en même temps ces quatre stratégies.
En ce qui nous concerne, nous avons mis en œuvre une stratégie de vaccination ADN vectorisé par Nanotaxi®. Nous sommes tout près de l’essai clinique dans le carcinome hépato-cellulaire.70% des patients expriment un antigène embryonnaire, l’alphafoeto-protéine (AFP). Nous avons développé un vaccin afin d’induire des anticorps et des lymphocytes T CD8 spécifiques de l’AFP. Avec la Covid, on déploie la même stratégie d’ADN qui exprime la protéine S.
En France, certains expriment des réticences sur l’ADN en invoquant sa nécessité d’aller dans les noyaux des cellules pour exprimer l’antigène. Et privilégient plutôt le recours à l’ARN jugé plus sûr car l’ARN s’arrête dans le cytoplasme des cellules. Or à ce jour, il n’existe pas de vaccin à ARN commercialisé ni chez l’Homme ni chez les animaux alors qu’il en existe quatre à ADN chez les animaux. Et les Anglais en revanche démontrent le bien-fondé d’une stratégie de vaccination contre la Covid à partir des molécules d’ADN vectorisés à l’aide d’un adénovirus de chimpanzé recombinant.
A ces quatre stratégies sont associés des modes de production et de conservation différents.
La troisième stratégie (virus de la rougeole de l’Institut Pasteur, adénovirus d’Astrazeneca et de Johnson & Johnson) qui conduit à utiliser « un bon virus » n’est pas exempte d’inconvénients. Le virus vivant doit être conservé dans des conditions qui préservent son activité. Il doit être stocké par exemple à -80°.
Avec la stratégie du virus inactivé, une conservation à 4° est suffisante comme pour la protéine recombinante associée à un adjuvant.
Les gouvernements mettent en avant leur implication dans la mise au point d’un vaccin. Le vaccin serait-il devenu un instrument illustrant la puissance d’un pays ?
Le psychodrame des masques entraîne-t-il chez les décideurs politiques une suractivité ? Les politiques, il est vrai, occupent sur cette thématique les devants de la scène. Pour autant, on peut être optimiste sur les chances de succès. Quelle que soit la stratégie, on observe des anticorps neutralisants. Persistent pour autant de grandes zones d’ombre. Moderna a diffusé des informations sur huit volontaires sains par voie de communiqué de presse mais pas par publication scientifique. Quel sera au final le taux de protection ? Stéphane Bancel, le patron de Moderna, estime qu’un taux de 50% serait suffisant. Or le développement d’un vaccin contre le virus HIV n’a pas été poursuivi parce qu’il conférait une protection de 60% seulement. Il faudrait au moins atteindre 70%. Autre difficulté, la souche qui a infecté 90% des Européens et des Américains en mars dernier a présenté une mutation sur la protéine S. La nouvelle séquence disponible dans les banques de données en mai est différente de celle de février. Or il faudrait peut-être utiliser la séquence de la protéine S disponible en mai pour les candidats vaccins, même si des premiers résultats montrent une efficacité comparable. Un autre danger, l’anticorps facilitateur peut conduire à la survenue de la maladie normalement combattue par le vaccin. Attention à ne pas augmenter la pathologie avec des anticorps facilitateurs, comme ce qui a pu être observé dans le vaccin contre la dengue. La mise au point d’un vaccin relève bien du parcours d’obstacles.
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