Invités aux « Contrepoints de la santé » à débattre autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) le 21 novembre, les députés Philippe Juvin (Les Républicains), Jérôme Guedj (Parti socialiste) et la rapporteure Stéphanie Rist (Renaissance – majorité présidentielle) ont montré leurs oppositions sur de multiples sujets. Florilège.
Le PLFSS, inadapté aujourd'hui ?
« L’idée avec les ordonnances Juppé de 1995 était de maîtriser les dépenses de santé et cela a marché : nous avions atteint l’équilibre en 2019 », défend la Dr Rist. « À l’époque, il y avait beaucoup de cotisants et pas beaucoup de droits. Aujourd’hui, c’est l’inverse », remarque-t-elle. La question étant : faut-il continuer le PLFSS tel qu’il est débattu aujourd’hui ? « Ce système est une gestion de flux plutôt que du stock », mais précise-t-elle, « cet outil financier a un intérêt, il permet un débat parlementaire annuel… »
Ce à quoi le Pr Juvin répond sec : « Cet outil ne permet pas d’avoir une politique de santé ! On fait semblant mais on ne fait qu’aligner des lignes ! Et avec les 49.3 successifs, il n’y a pas vraiment de débat, nous subissons… J’ai l’impression de ne servir à rien », a-t-il regretté, amer. L’élu des Hauts-de-Seine a tout simplement invité à le supprimer, pour revenir à un système paritaire, sur le modèle des retraites complémentaires du privé (Agirc-Arrco, géré par les partenaires sociaux).
Selon Jérôme Guedj, « ce qui pose problème, c’est que dans ce pilotage, il existe une opacité : peut-être qu’il y aura une hausse des franchises, peut-être pas, nous dit le ministre. En attendant, l’estimation budgétaire est dans le PLFSS ! », explique-t-il. Le socialiste appelle alors à « gouverner par les besoins et décider, ensuite, jusqu’où on va », mais avec « une vision d’ensemble avec une loi de programmation » pluriannuelle, plutôt qu’un « catalogue sans cohérence entre les mesures ».
Mais, pointe le Dr Rist : « même si nous avions une loi de programmation, nous aurions, quand même, un débat chaque année ». Avant de positiver : « Le PLFSS a permis le partage de compétences, l’innovation etc., nous avançons sur des sujets cruciaux ! » Pas sûr, pour autant, que cela ait convaincu ses deux camarades députés.
Hausse des franchises et principe de réalité
Le sujet de l'augmentation des franchises médicales est d’ailleurs revenu dans la discussion. Jérôme Guedj a défendu avec force le particularisme du système français. « En 2015, j’étais déjà opposé aux franchises, car c’est une entorse aux principes d’universalité, comme un impôt sur la maladie… »
Si le Pr Juvin a d’abord usé le principe de réalité pour dire que les hôpitaux souffrent et que « les franchises existent », la question, pour lui, est : « à quel niveau les met-on ? » Surtout, explique-t-il, « quand dans populations sont dans des situations financières compliquées ». Bref, pour lui, c’est « aux techniciens de nous dire comment faire ! »
Stéphanie Rist a, elle, défendu un autre « principe de réalité ». En France, « le reste à charge est de 9 %, comparé aux 16 % moyens dans l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ». Ainsi, dans un système où « il y a moins de cotisants et plus de malades » et un pays où « il n’y a pas de débat tabou », pour la rhumatologue, il est rationnel de se poser la question.
Des négos pour changer l’exercice des médecins ?
Au sujet des négociations conventionnelles, Stéphanie Rist a expliqué que ses rangs ont fait « très attention » à ne pas glisser d’amendements pouvant heurter leur déroulement. Toutefois, interrogée à ce sujet, elle a développé l’idée selon laquelle il faudrait, peut-être, une convergence des rémunérations. En clair, « pour décloisonner l’hôpital et la ville : fonctionnariser la médecine libérale ou libéraliser la médecine hospitalière ».
Car les temps ont changé, détaille Philippe Juvin. « Les jeunes médecins des hôpitaux publics disent qu’ils veuillent travailler moins, y compris si cela implique de gagner moins. Donc, ce n’est pas qu’un problème de rémunération, mais de sens et de condition de travail. Parfois, j’ai l’impression de ne pas faire de médecine… » Sur les libéraux, ce dernier affirme qu’il est nécessaire de « beaucoup mieux les rémunérer et imaginer un exercice différent, avec des forfaits annuels pour les médecins pour les affections en longue durée », cite-t-il.
Et Jérôme Guedj de défendre « une approche populationnelle par capitalisation et une participation accrue des médecins à la permanence des soins ».
Sur l’AME, la droite isolée
Sur l’aide médicale d’État (AME), transformée en aide médicale d’urgence (AMU) par le Sénat, dominé par Les Républicains (LR) dans le cadre du projet de loi immigration, les trois députés ont une nouvelle fois opposé leur vision du monde. Le Pr Juvin, de la même famille politique, a tenu à préciser que « le dispositif n’est pas supprimé, il est ramené à la moyenne des pays européens… lesquels n’ont pas des personnes malades, dans la rue, qui contaminent tout le monde ! »
Bien sûr, le socialiste Jérôme Guedj a exprimé son mécontentement : « C’est une caricature de croire qu’on quitte un pays pour un autre illégalement avec comme motif déterminant l’accès aux soins ! », avant d’avancer l’argument économique « contre-productif ».
Stéphanie Rist a pris le parti de son collègue de l’aile gauche de l’Hémicycle. « L’AMU est la caricature de ce que l’on peut faire de moins bien en politique : elle n’a ni sens humain, ni sens économique ». Toutefois, a-t-elle ensuite avancé, « peut-être faut-il changer de nom pour voir ce qui pourrait évoluer… », s’appuyant sur le rapport – très attendu – de Patrick Stefanini et Claude Évin, qui devrait être remis à Matignon au début du mois de décembre.
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