« C’est un nouveau chiffre record », s’est félicité le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme, ce jeudi 20 mars 2025 devant les journalistes. Avec 628 millions d’euros de fraudes détectées et stoppées en 2024 – soit une augmentation de près de 35 % par rapport à l’an dernier et deux fois plus qu’il y a cinq ans – l’Assurance-maladie voit sa stratégie confortée : intensification des opérations de surveillance, renforcement des moyens humains (1 600 agents dédiés) et technologiques et fermeté face aux fraudeurs, par ailleurs de plus en plus organisés… De fait, l’objectif, initialement fixé à 500 millions d’euros a été largement dépassé, comme l’avait fait remarquer les ministres en charge du dossier la semaine dernière. Fait notable, 263 millions d’euros de fraudes ont été évités, notamment grâce à de nouvelles actions de contrôle a priori.
Dans le détail, le préjudice par catégorie d’acteurs concerne, en nombre, les assurés en majorité (52 %), avant les professionnels de santé en ville (27 %) et les établissements (21 %). En revanche, en montants, ce sont les professionnels de santé en ville qui représentent, de loin, le plus de fraudes (68 %), devant les assurés (18 %) et les établissements (14 %).

9 500 dossiers de fraudes des soignants
416 millions d’euros détectés et stoppés, c’est le montant de la fraude des professionnels de santé. Un chiffre en hausse de 26 % par rapport à l’année précédente (330 millions). Au total, 9 500 dossiers de fraudes ont été ouverts pour les soignants.
Plus précisément, ce sont les fraudes aux audioprothèses qui ont bondi, multipliées par plus de cinq en un an, pour atteindre 115 millions d’euros (contre 21 en 2023), dont 88 millions évités ! Réactive, la Cnam a durci les sanctions contre ce « blockbuster de la lutte contre la fraude » selon les termes de Thomas Fatôme : radiations, refus de conventionnement de centres d’audioprothèses et poursuites pénales pour les 2 700 dossiers traités. « La fraude se déplace et va là où il y a de l’argent », a déclaré le DG de la Cnam, constatant que cette hausse est liée à la réforme du 100 % santé. En 2024, l'Assurance-maladie a contrôlé 55 000 factures d'audioprothèses et en a rejeté 20 000.
Les contrôles répétés des centres de santé ont permis de détecter 39 millions d’euros de fraudes – soit 90 millions sur deux ans. Au total, 30 d’entre eux ont été déconventionnés, contre 21 en 2023. « Début avril aura lieu un nouveau cycle de déconventionnements d’un certain nombre de réseaux, qui ont des pratiques répréhensibles et frauduleuses », a affirmé le DG de la Cnam.
La fraude commise par les médecins généralistes est en nette baisse de 47 %, pour un chiffre de 10 millions ; celle des spécialistes en légère hausse de 2 %, atteignant 24 millions d’euros. Des chiffres bien loin de celles des pharmaciens (62 millions), des infirmiers, (56 millions) ou encore, dans un autre registre, des transporteurs (41,5 millions d’euros).

Des fraudes « professionnalisées, aux méthodes sophistiquées »
Du côté des assurés, 109 millions d’euros de fraudes ont été détectés et stoppés, dont 42 millions sur les arrêts de travail (faux avis ou transmission de faux bulletins de salaire, falsification d’arrêts prescrits, exercice d’une activité non autorisée), un chiffre 2,4 fois plus haut qu’en 2023 (17 millions). Un phénomène notamment lié à la recrudescence de faux arrêts vendus sur les réseaux sociaux, explique la Cnam, qui en a stoppé 60 % avant le versement des indemnités journalières, à hauteur de 30 millions. Les Cerfa sécurisés, dont l’utilisation sera obligatoire en juin 2025, sont pour la caisse un dispositif important dans l’authentification des arrêts de travail, avec leur étiquette holographique non photocopiable.
Le directeur délégué de l’audit, des finances et de la lutte contre les fraudes à la Cnam, Marc Scholler, a insisté sur « des fraudes organisées et professionnalisées, aux méthodes sophistiquées », utilisant l’exemple des fausses ordonnances, à hauteur de 13,4 millions d’euros stoppés – en hausse par rapport aux 11,5 millions de 2023. La réponse de la Cnam, l’ordonnance numérique sécurisée, a été utilisée par 37 000 médecins au moins une fois, à fin février 2025. Au total, 56 millions d’ordonnances numériques ont été créés ; 12 070 officines en ont déjà traité une ; 17 logiciels médecins l’utilisent et 8 logiciels pharmaciens.
Dans les pharmacies, 7 300 suspicions de fausses ordonnances
Les poursuites engagées ont été fortes : 20 000 actions contentieuses menées en 2024, soit le double de l’année précédente, parmi lesquelles plus de 8 400 procédures pénales et 7 000 pénalités financières. Enquêtes sous pseudonymes, infiltration de réseaux frauduleux… Pour contrer la multiplication des fraudes numériques, six unités d’enquêteurs judiciaires, composées de 60 agents, dotés de compétences en investigation numérique et de prérogatives judiciaires ont été créées.
Le repérage des escroqueries est aussi facilité par de nouveaux outils comme Asafo-Pharma, un téléservice à disposition des pharmaciens. Il a déjà permis de signaler plus de 7 300 suspicions de fausses ordonnances depuis son introduction dans les officines en août 2024. Les trois quarts se sont confirmés être frauduleuses, preuve de l’intérêt du dispositif pour la Cnam.
Thomas Fatôme a également annoncé la relance des contrôles liés à la tarification à l’activité (T2A), qui assurent le respect de la tarification des actes par les établissements de soins, après plusieurs années de suspension liée à la crise sanitaire. L’objectif est de contrôler plus de 30 000 séjours en 2025.
Invité au point presse, le directeur général de la CPAM de Paris, Raynal Le May, a donné des exemples de fraudes qu’il a rencontrées, en lien avec le pôle inter-régional d’enquêteurs judiciaires. L’une concerne un trafic de fausses ordonnances, entraînant des prescriptions de médicaments onéreux (pour le cancer ou la sclérose en plaques) lié au vol d’un oncologue hospitalier pour 300 000 euros de fraude.
Au total, la CPAM 75 a détecté et stoppé 38 millions d’euros de fraudes (+ 48 %), dont 17,7 millions évités (+ 55 %). Celles-ci sont le fait des pharmaciens en premier lieu (12 millions), puis des audioprothésistes (10), des assurés (4,3), des infirmiers (3,5) ou encore des centres de santé (1,6).
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