À l’occasion de la Journée mondiale sans tabac, le 28 mai dernier, Agnès Buzyn a tenu à rappeler que la lutte contre le tabagisme lui tient particulièrement à cœur. « Ce combat fut une priorité lors du plan cancer 2014, et j’ai soutenu les actions conduites par Marisol Touraine dans le programme national de réduction du tabagisme. » Aujourd’hui ministre de la Santé, elle semble disposer d’une latitude suffisante au sein du gouvernement pour s’y atteler efficacement.
Il faut dire que selon le dernier BEH, les chiffres sur la baisse du tabagisme sont qualifiés d’historiques, avec un million de fumeurs quotidiens en moins entre 2016 et 2017. La prévalence du tabagisme est ainsi passée de 29,4 % en 2016 à 26,9 % en 2017. Les populations les plus concernées par cette baisse sont les hommes de 18-24 ans et les femmes de 55-64 ans.
Cette tendance se poursuit aujourd’hui, puisqu’au premier trimestre 2018, la vente de tabac a baissé de près 10 %. « Cependant, côté féminin, la baisse du tabagisme est moins prononcée, et chez les femmes de 45-54 ans la consommation augmente », tempère François Bourdillon, directeur général de Santé publique France. « Pour corriger cette tendance, nous avons prévu de mieux cibler et sensibiliser ces populations, via un marketing social, lors de l’opération du “Mois sans tabac” au dernier trimestre 2018. »
Lutte contre les inégalités
Autre résultat majeur : cette baisse de la consommation de cigarettes s’observe surtout chez les personnes aux niveaux de revenus et de diplômes les moins élevés, ainsi que les chômeurs. « C’est la première fois depuis 2 000 que la prévalence du tabagisme quotidien diminue chez les plus défavorisés : de 38,8 % en 2016 à 34,0 % en 2017 parmi les personnes aux revenus les plus faibles, de 49,7 % à 43,5 % chez les personnes au chômage », indique le BEH. Comparativement aux données de 2014, cette diminution du tabagisme s‘est surtout observée en Île-de-France et en Normandie. À noter que des inégalités entre les régions persistent, avec une prévalence du tabagisme de 21,3 % en Île-de-France, contre 32,1 % dans la région PACA.
Autre résultat positif en faveur des jeunes, la baisse concerne aussi l’entrée dans le tabagisme. Avec le recul de l’âge de l’expérimentation passé de 14 à 14,4 ans entre 2014 et 2017 (Escapad) et le pourcentage des jeunes de 17 ans qui ont expérimenté la cigarette est passé de 68,4 % en 2014 à 59,0 % en 2017. Le nombre de personnes n’ayant jamais fumé s’élevait 37,1 % en 2017 contre 34,3 % en 2016 (Baromètre santé).
Objectif : cinq millions de fumeurs en moins d’ici 2027
Portée par ces résultats très positifs, Agnès Buzyn ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, en lançant très prochainement le nouveau programme national de lutte contre le tabac (PNLT), mené conjointement avec Gérald Darmanin, ministre de l’Action des comptes publics. Agnès Buzyn a dressé les grandes lignes de ce programme dont les détails seront dévoilés ces prochains jours. Quatre axes majeurs se dégagent : protéger les enfants pour éviter l’entrée dans le tabagisme ; accompagner les fumeurs vers le sevrage ; agir sur l’économie du tabac en particulier au niveau européen ; et enfin diffuser les connaissances sur cette substance, tout en continuant les évaluations et les recherches. « L’objectif est de voir grandir une première génération sans tabac, et de lutter contre les inégalités sociales », a précisé la ministre. « Notre ambition est de continuer à réduire le tabagisme pour atteindre moins de 22 % de fumeurs quotidiens chez les 15-75 ans et moins de 20 % chez les adolescents d’ici 2022. En 2027 nous souhaitons passer sous la barre des 17 % de fumeurs quotidiens chez les 15-75 ans. Cela voudrait dire 5 millions de fumeurs en moins qu’en 2017. » 100 millions d’euros issus des taxes sur le tabac seront consacrés par le fonds de lutte contre le tabac (géré par la Cnam) aux premières actions du programme national de lutte contre le tabac.
Hausse des consultations pour sevrage chez les généralistes
Même si, comme on le voit, la problématique de la lutte contre le tabagisme nécessite l’engagement de toute la société civile, le médecin généraliste reste un acteur incontournable, tient à rappeler François Bourdillon : « Depuis que je suis directeur général de Santé publique France, j’ai toujours voulu que le généraliste soit associé à la lutte contre le tabagisme, en me souvenant que les Anglais avaient réussi la leur en installant les omnipraticiens en première ligne. Pendant un moment, la France avait fait un autre choix, avec la mise en place de tabacologues dans les hôpitaux. Pour davantage associer les praticiens généralistes, nous nous sommes rapprochés du Collège de la médecine générale et de l’Ordre des médecins. Cela a porté ses fruits, puisque l’an passé, durant la campagne du “Mois sans tabac”, le nombre de consultations pour sevrage tabagique chez les généralistes a atteint 19 % des fumeurs, contre 8 % habituellement. »
Si la lutte contre le tabac est un engagement fort d’Agnès Buzyn, autour de la ministre certains grincent des dents, regrettant qu’elle n’ait « pas les mains aussi libres pour s’attaquer avec la même efficacité dans la lutte contre l’alcool ».
Le paquet à 10 euros en 2020
Pour la ministre de la santé, la hausse du prix du tabac constitue un levier majeur de dissuasion. C’est tout l’objet d’« une fiscalité au service de la santé publique dont la dernière augmentation d’un euro par paquet date de mars dernier. Et fin 2020, le prix visé est de 10 euros », a indiqué Agnès Buzyn, rappelant qu’il s’agissait d’une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Dans un article du BEH (29/05/2018), Catherine Hill et Clémence Legoupil (service de biostatistique et d’épidémiologie, Institut Gustave Roussy, Villejuif), soulèvent l’importance de « poursuivre cette politique au-delà de 2020 si on veut réduire considérablement la consommation du tabac. » D’ailleurs, comme l’a rappelé Agnès Buzyn, en Australie « le paquet moyen de tabac vaut 27 euros, et le pays compte moins de 15 % de fumeurs quotidiens ! »
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes