Alors que la place et l’articulation entre l’Assurance maladie et les complémentaires sont actuellement en débat, la Cour des comptes apporte elle aussi sa pierre à l’édifice. Elle a publié une note qui évoque plusieurs pistes pour « garantir l’accès à des soins de qualité et résorber le déficit de l’Assurance maladie ».
Car si un redressement de l’équilibre financier de l’Assurance maladie avait été opéré ces dernières années, la crise sanitaire est passée par là creusant le déficit. « La branche maladie de la Sécurité sociale pourrait accumuler 130 Mds € de déficits (« dette sociale ») entre 2020 et 2025, dont près de la moitié entre 2022 et 2025 », souligne ainsi la Cour des comptes, ajoutant que « son retour à l’équilibre est un impératif d’équité entre les générations ».
Les sages de la rue Cambon ont donc identifié de nombreuses sources possibles d’économies pour « améliorer la soutenabilité financière de l’Assurance maladie ». Les pistes avancées par la Cour relèvent de quatre séries de leviers d’action : l’organisation des soins, la rémunération des acteurs du système de santé, les causes évitables des dépenses de santé et d’Assurance maladie et la contribution des technologies numériques à la transformation du système de santé. En résultent des propositions parfois chocs mais pas forcément nouvelles de la part des sages.
Délégations et conventionnement sélectif
Côté organisation des soins, comme souvent, la Cour des comptes estime que les soins de premiers recours doivent être mieux structurés. Elle juge notamment que les deux transformations « potentiellement de grande portée » que sont les pratiques avancées pour les paramédicaux et les CPTS « restent cependant en deçà de leurs potentialités ». Elle considère également que le dialogue pluriprofessionnel avec l’Assurance maladie n’est pas efficace.
« Les accords conventionnels interprofessionnels avec l’Assurance maladie s’ajoutent à ceux négociés profession par profession, sans en encadrer les priorités. Il en résulte un frein au développement des approches interprofessionnelles et une sédimentation des avantages financiers par profession », souligne la note.
Les sages appellent donc à continuer à développer l’exercice coordonné et les délégations de tâche, mais ils suggèrent également, et pas pour la première fois, de mettre en place un conventionnement sélectif pour les médecins de ville.
« Ce dispositif devrait couvrir non seulement les médecins installés, mais aussi les médecins remplaçants », précisent-ils.
Diviser par trois le nombre de CHU
L’organisation hospitalière n’est pas non plus optimale pour la Cour des comptes. Elle reproche un éclatement géographique des établissements qui n’est pas adapté aux « enjeux de qualité, de sécurité, de pertinence et d’efficience des soins ». Les sages proposent donc notamment de réduire le nombre de CHU en les fusionnant pour n’en garder qu’une dizaine ce qui « permettrait de donner aux activités de recherche une meilleure taille critique et visibilité internationale ».
Ils appellent aussi à « mettre fin à l’absence persistante de seuils d’activité minimale pour la plupart des actes chirurgicaux (hormis l’oncologie), de relever ceux en vigueur et d’appliquer effectivement les seuils fixés ».
Pour contenir les dépenses liées aux maladies chroniques, la note met sur la table l’idée d’expérimenter « une enveloppe annuelle individualisée par patient », modulée en fonction de son état de santé et de ses besoins.
« Cette enveloppe intégrerait l’ensemble des soins médicaux et paramédicaux en ville et en établissement de santé ».
Améliorer la prévention grâce à la rémunération
Côté rémunération des professionnels de santé, pour améliorer la prévention, la Cour de comptes recommande de privilégier la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp).
« Les futures hausses de rémunérations accordées aux professionnels de santé auraient vocation à prendre place dans le cadre de forfaits à même de garantir des contreparties mesurables et effectives de leur part », précise-t-elle.
La part de la rémunération des médecins liée aux actes de prévention doit aussi être accrue, selon elle.
Elle conseille aussi de taxer plus lourdement les boissons alcoolisées et sucrées, les produits alimentaires transformés, de rétablir les interdictions liées à la loi Evin, d’établir des taux maximaux de sel, sucre et gras dans la composition nutritionnelle des aliments ou d’obliger à un affichage du Nutriscore.
« En outre, la prise en charge par l’Assurance maladie d’une partie des soins curatifs pourrait être modulée, dans certaines limites, en fonction de la réponse des assurés aux propositions de dépistage de pathologies qu’elle leur adresse », suggère aussi la note.
Retour de l'obligation vaccinale pour la grippe
Pour les « pathologies dont le système de santé est l’auteur », les sages de la rue Cambon appellent notamment à revenir sur la suspension de l’obligation de vaccination contre la grippe des professionnels de santé. Une proposition déjà formulée en 2018. Sur l’antibiorésistance, ils évoquent aussi l’idée de faire dispenser à l’unité les antibiotiques par les pharmaciens.
Les prescriptions d’indemnités journalières (IJ) sont aussi dans le collimateur de la Cour des comptes depuis longtemps. Elle regrette ici que les mesures contraignantes, mise sous objectif ou sous accord préalable, ne s’appliquent qu’à une fraction réduite des médecins fortement prescripteurs. Elle avance donc l’idée de « communiquer à chaque médecin les données lui permettant de situer sa pratique par rapport à ses confrères et favoriser la prise en compte par les médecins de durées-repères pour les pathologies bénignes dans le cadre des services de e-prescription des arrêts de travail ».
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes