Accès aux soins

Découragé par les contraintes administratives, le président d'une CPTS claque la porte

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Publié le 02/06/2022
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Le Dr Xavier Lambertyn, médecin généraliste et président de la CPTS du pays de Bray, a présenté, mi-mai, sa démission. Cette décision fait suite à une réunion avec l'agence régionale de santé des Hauts-de-France qui reproche à la CPTS de ne pas avoir rempli deux de ses missions socles. Le généraliste, lui, regrette un manque de compréhension de la part de l'ARS et dénonce le poids de l'administratif.

Crédit photo : DR

« Écœuré », « dépité », « énervé », « abasourdi » les mots ne manquent pas au Dr Xavier Lambertyn, généraliste à Lachapelle-aux-Pots (Oise), pour qualifier son état d'esprit.

Ce médecin généraliste, anciennement à la tête de la CPTS du pays de Bray (Oise), a décidé de quitter ses fonctions mi-mai suite à une réunion de gestion organisée avec l'agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France et l'Assurance maladie.

Suspension des financements

« À l'occasion de cette rencontre, l'ARS nous a reproché de ne pas remplir certaines missions socles fixées par l'ACI. Elle a donc décidé de suspendre nos financements », indique le médecin.

Une information confirmée par l'ARS des Hauts-de-France : « dans le cadre de la revue de gestion réalisée entre les parties au contrat (la CPTS du pays de Bray, l'ARS et l'Assurance maladie), il est apparu que la CPTS ne met pas en œuvre certaines de ses missions socles. En effet, la CPTS s’oriente à ce jour exclusivement sur la prise en charge de la personne âgée et n’envisage pas la mise en place d’autres missions cependant obligatoires. En conséquence, et dans un contexte où les tentatives de dialogue souhaitées par l'ARS et l’Assurance maladie n'ont pas trouvé d'écho auprès de la CPTS, les financements prévus en contrepartie de la réalisation de ces missions socles ont été suspendus ».

Suite à cette annonce, le Dr Xaxier Lambertyn, rejoint par les membres du bureau de la CPTS, a décidé de présenter sa démission.

Mais face à l'investissement « sans faille » ces trois dernières années pour développer la CPTS, le sentiment d'injustice et d'amertume reste fort pour le praticien.

« Depuis notre création, nous faisons un véritable travail d'équipe pour améliorer la vie des habitants de notre territoire. Les gens sont satisfaits et ils nous le disent. Nous avons par ailleurs un projet de santé qui est le maintien à domicile des personnes âgées en milieu rural. Au total, nous avons 310 patients en fil active sur un bassin de population de 25 000 habitants. Cette prise en charge a permis d'éviter 220 hospitalisations, ce n'est clairement pas négligeable !  », souligne-t-il.

« Pas dans les clous »

Pourtant, malgré cet effort, l'ARS des Hauts-de-France estime que « la CPTS ne rentre pas dans les clous », assure le Dr Xavier Lambertyn.

Il est en effet reproché à la structure de ne pas remplir sa mission socle numéro un à savoir : l'amélioration de l'accès aux soins et l'accès à un médecin traitant pour tous les patients qui n’en ont pas.

Or, pour l'ancien président de la CPTS, la démographie médicale du territoire ne le permet pas. « Sur notre secteur, neuf médecins sont partis à la retraite depuis le 1er janvier. Nous sommes clairement confrontés à une catastrophe démographique mais ça l'ARS ne veut pas l'entendre ! Cela fait vingt ans que la pénurie de médecins persiste, que nos « chers » politiques ne font rien, voilà que maintenant on veut nous faire porter le chapeau !  », se désole-t-il. 

Selon lui, l'ARS des Hauts-de-France reproche également à la CPTS du pays de Bray de ne pas avoir développé d'actions territoriales de prévention. Pourtant, selon le généraliste, la CPTS a créé « en seulement huit jours un centre de vaccination pour répondre aux besoins de la population. »

« Nous avons assuré 10 000 injections entre mars et novembre 2021 avec des médecins et des infirmiers du secteur qui, très souvent, ont pris sur leur temps de repos. Certains ont travaillé 7 jours / 7 et ce pendant plusieurs mois ! », rappelle-t-il.

« Aujourd'hui, l'ARS nous maintient que ça ne peut pas rentrer dans le cadre de la mission de prévention car nous n'avons pas rédigé de plan d'actions. En fait, ils estiment que nous ne sommes pas administrativement dans les clous en dépit de tout ce que nous avons organisé. Ce diktat administratif est complètement ubuesque ! », s'indigne le généraliste.

Quel avenir pour la CPTS du pays de Bray ?

L'avenir de la CPTS du pays de Bray est donc pour le moment en suspens. Une assemblée générale extraordinaire est prévue le 8 juin pour décider ou non la dissolution de la structure.

De son côté, la direction de la communication de l'ARS assure avoir « proposé un accompagnement vers une nouvelle forme d’organisation territoriale adaptée aux ambitions des porteurs et à la spécificité du territoire avec l’enjeu de maintenir la continuité des financements des actions portées. »

Mais « cette proposition ne semble pas, en l’état, recueillir l’adhésion du président de la CPTS », selon la direction de la communication.


Source : lequotidiendumedecin.fr