C'est un système qui vit « une crise majeure ».
Dans son rapport, fruit de six mois de travail, la députée Michèle Peyron (LREM, Seine-et-Marne) dresse un constat accablant de la situation de la protection maternelle et infantile (PMI) en France. Créée après la seconde guerre mondiale, elle ne remplit plus ses objectifs fondamentaux – consultations médicales préventives, visites à domicile en pré et post-natal – et rencontre de lourdes difficultés financières et démographiques.
Désengagement, éparpillement
La PMI est « négligée par l’État et l’assurance-maladie », dénonce le rapport. Celle-ci ne participe à son budget que de manière « marginale » (35 millions d'euros) alors qu’il s’agit d’une politique préventive « avec un fort retour sur investissement ». Avec la décentralisation, le financement départemental se fait « au fil de l’eau » et de façon très hétérogène. Il manque une tête de réseau pour impulser la politique de PMI et respecter les normes réglementaires. Au total, les moyens de la PMI ont baissé de 100 millions d'euros en dix ans, à rebours des priorités affichées en faveur de la prévention précoce.
La démographie médicale et soignante est en berne. Les chiffres du ministère de la Santé (2015) font état de 2 300 médecins de PMI (1 750 équivalents temps plein, en chute depuis 2010), 1 120 sages-femmes (880 ETP) et 1 500 infirmières (1 150 ETP). Dans certains départements, la moitié des postes de médecins sont vacants. Et deux tiers des praticiens de PMI auront atteint l’âge de la retraite d’ici à 2020. Les salaires de médecin territorial en début de carrière – 2 160 euros brut mensuels – rendent la profession peu attractive.
Ces facteurs défavorables font que l'activité de consultation des centres de PMI a baissé de 45 % en une vingtaine d'années. Environ 1,6 million de consultations infantiles par an sont réalisées alors que 12 millions seraient nécessaires pour la classe d'âge concernée (0-6 ans). Les visites à domicile (590 000) ont également été divisées par deux. Un tiers des bilans de santé en école maternelle pour les enfants de 3-4 ans ne sont pas réalisés.
Fonds national
Pour empêcher que la PMI « ne s'éteigne à bas bruit », la mission formule plusieurs recommandations dans le cadre d'un plan 2019/2022. Mesure phare, elle propose de créer un fonds national PMI, délégué aux agences régionales de santé (ARS) et alimentant des contrats territoriaux clairs (lutte contre la pauvreté ou l'obésité infantile par exemple) avec des taux de couverture précis. Le rapport demande également à la CNAM d'endosser sa responsabilité de « financeur » : cotation et rétribution des actes de prévention des infirmières puéricultrices, remboursement d'actes médicaux et infirmiers, financement des bilans de santé en école maternelle.
En régime de croisière, ces mesures représenteraient 100 millions d'euros par an (fléchés au sein de l’ONDAM) et permettraient d'atteindre les objectifs de couverture des bilans de santé en maternelle (80 % minimum d’ici à 2022) et des consultations obligatoires des 0-6 ans.
Pour renforcer l'attractivité des métiers de PMI, la députée Michèle Peyron propose une prime de lutte contre les inégalités territoriales de 300 euros par mois pour les jeunes médecins qui empruntent cette voie et de s'aligner sur les émoluments des centres de santé ou de l’hôpital pour les praticiens attachés. Autres pistes : une formation spécialisée transversale (FST) consacrée à la médecine de PMI et un nombre accru de terrains de stage à l'internat. Des temps partiels pourraient être proposés pour les jeunes médecins installés ou les médecins en fin de carrière (voire retraités).
Espoir
En attendant les arbitrages ministériels, la plateforme « Assurer l'avenir pour la PMI » (dont fait partie le Syndicat national des médecins de PMI) a accueilli très favorablement ces préconisations « salutaires ». Mais elle réclame des actes. « Nous attendons que le gouvernement engage toutes les mesures de pilotage et de régulation du dispositif en lien avec les départements et qu'il dégage les moyens financiers nécessaires », soulignent les représentants du secteur.
En déplacement à Argenteuil (Val-d'Oise), le secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance, Adrien Taquet, a repris certaines mesures. Il souhaite la mise en place d'un « soutien » à la PMI, sous la forme d’une contractualisation avec les départements volontaires dès janvier 2020, portant notamment sur les bilans de santé en école maternelle. Un protocole national de coopération sur les missions des médecins et des infirmières puéricultrices sera inscrit dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Un début de sauvetage ?
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes