LE QUOTIDIEN : L’Igas préconise la suppression de l'obligation triennale de développement professionnel continue (DPC). Est-ce une bonne idée ?
DR BERNARD ORTOLAN : On peut considérer que la coexistence de deux obligations – DPC et certification périodique – paraît compliquée à comprendre pour les professionnels de santé concernés. Par mesure de simplification, n'en garder qu'une seule n'est pas totalement idiot !
Supprimer l'obligation triennale de DPC me va tant que cet outil est conservé et intégré comme une brique indispensable dans le cadre de la certification périodique. À cet égard, les procédures de DPC élaborées depuis longtemps par l’agence nationale de DPC devront être intégrées dans les référentiels de certification périodique.
Ce qui m’inquiète aujourd’hui est l’articulation envisagée des deux dispositifs sur le plan réglementaire. J’ai l’impression que les pouvoirs publics n’ont pas encore trouvé de solution idoine, sauf penser à tout arrêter… Or aujourd’hui, le DPC génère 40 000 emplois avec 2 500 opérateurs de formation. La formation médicale continue a un coût mais elle rapporte aussi du PIB au pays !
Justement, l’une des pistes de l’Igas est aussi la suppression de l’ANDPC dans sa forme actuelle avec le transfert des compétences et des moyens à la HAS. Que pensez-vous ?
C'est là que ça devient un peu “gribouille” de la part de l’Igas, où on ne comprend pas très bien les objectifs. De la fin de l’obligation triennale du DPC, on arrive à la suppression de l’Agence et au transfert des moyens et compétences à d'autres organismes qui n’ont pas été créés pour gérer le DPC. La HAS est certes parfaitement compétente pour la méthodologie, la pédagogie scientifique. Mais est-elle capable de gérer 2 500 opérateurs de formation, 25 000 actions et 250 000 praticiens par an ? Peut-être mais cela veut dire alors remplacer un organisme par un autre qui ne sera peut-être pas plus performant mais tout aussi cher et probablement encore plus !
N’est-ce pas surtout un manque de moyens qui fait défaut ?
Effectivement, la vraie question que l’on doit poser est : l’État a-t-il encore les moyens de financer à la fois le DPC et la certification périodique ? Si ce n’est pas le cas, qu’on nous le dise et qu’on ne se raconte pas d’histoires en prétendant que le DPC ne fonctionne pas. C’est faux car le rapport de l’Igas est basé sur des chiffres de 2020-2022. Ces données sont périmées car les résultats, depuis, se sont nettement améliorés. Le Haut Conseil du DPC que je préside ainsi que les CSI [commissions scientifiques indépendantes, NDLR] sont prêts à travailler avec l’ensemble des parties sur l’amélioration du dispositif, sur la base de certaines recommandations de l’Igas.
“Qu’on nous dise clairement si on veut oui ou non continuer à financer la formation des professionnels de santé !
Lesquelles ?
L’Igas propose par exemple de réduire le nombre d’orientations prioritaires du DPC. C’est une piste à étudier. Est-ce qu'il faut aussi améliorer l'agrément, le référencement des organismes habilités ? Oui, probablement. On nous reproche ensuite de faire des évaluations a priori qui sont probablement pointilleuses et rigoureuses pour les opérateurs et pas assez a posteriori. Oui nous n’en faisons pas assez.
Et puis, nous n’avons jamais fait réellement de mesures d’impact du DPC en termes d’amélioration des pratiques. Pour tout cela, nous avons besoin d’aide. Pour autant, il faut nous montrer qu’il y a une envie de conserver les équipes qui travaillent. Aujourd’hui, je vous dis ce que j'entends comme critiques, ce que je comprends comme sous jacents : on nous enfume avec des rapports à demi-mot pour éviter d’affronter la réalité.
Qu’on nous dise clairement si on veut oui ou non continuer à financer la formation des professionnels de santé. Si on répond qu’il faut l’arrêter, car l'État dépense trop d'argent, alors il faut que les soignants payent eux-mêmes leur formation.
Vous dites que le DPC doit être une brique indispensable de la certification. Pourquoi ? La certification ne suffit-elle pas en soi ?
Citez-moi une action précise de certification périodique. Il n'y en a pas et il n’y en aura jamais. La certification périodique est un engagement de la part des professionnels de santé d'améliorer leurs connaissances en passant par un certain nombre d'offres de formation qui existent sur le marché et qui sont proposées par le référentiel de leur spécialité. Il n'y a donc pas d'action “proprement dite” de certification périodique car on retrouve des actions de DPC, d'amélioration des pratiques, d'évaluation des pratiques professionnelles, des congrès, des actions de validation des acquis de l’expérience, etc.
Bref, si on ne maintient pas le DPC, on enlèvera la seule brique qui remplit un certain nombre d'exigences sur le plan scientifique, pédagogique et méthodologique, dictées par la Haute autorité de santé. On ferait aussi disparaître un dispositif qui est en pointe en termes de prévention des conflits d’intérêts et de contrôle de l’indépendance des actions de formation.
Je comprends aujourd'hui que l’on veuille faire mieux et différemment. Les choses peuvent évoluer. Faisons les choses tranquillement en mettant tout à plat. Ne remplaçons pas ce qui marche par quelque chose d'hypothétique !
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