LE QUOTIDIEN : Combien de médecins sont actuellement mobilisés par la Réserve sanitaire à Mayotte ? Quel est leur profil ?
PHILIPPE SEGURA : Au total, 6 500 personnes se sont portées volontaires, dont 400 médecins – la médecine générale est la spécialité la plus représentée, suivie par la médecine d’urgence et la santé publique. Les praticiens sont souvent jeunes ou retraités, avec des profils différents, venant de partout en France. Nous avons aussi beaucoup de nouveaux inscrits à la Réserve sanitaire, en plus des 46 000 déjà enregistrés dans notre base de données. Avant-hier (le 22 décembre, ndlr), nous avons envoyé quatre urgentistes sur place, au centre hospitalier de Mayotte (CHM). Nous en avons trois autres déjà intégrés.
Dr CAROLINE SEMAILLE : Pour donner des éléments de comparaison, quand nous lançons une alerte auprès de la Réserve pour un renfort hospitalier à Mayotte, qui manque structurellement d’effectif, nous avons entre 400 et 500 réponses. Aujourd’hui, il s’agit d’un élan des professionnels dix fois supérieur !
Cela étant dit, le déploiement de la Réserve sanitaire est ancien à Mayotte, comme en Guyane, en Martinique ou en Guadeloupe. Sur l’archipel, nous sommes en soutien depuis plus d’un an et pas seulement dans le cadre de soins, mais aussi de la surveillance communautaire ou la vaccination. Nous envoyons en moyenne 35 à 50 réservistes sanitaires en tant que renforts hospitaliers – dont un ou deux médecins, majoritairement des infirmiers et des sages-femmes – et quand nous faisons de la prévention, notamment de la vaccination, nous en envoyons 70 à 80, dont une dizaine de praticiens.
Après le passage du cyclone, combien de temps ces réservistes sont-ils projetés sur l’archipel ? N’est-ce pas un défi de les envoyer si loin, dans de telles conditions ?
P. S. : C’est effectivement un défi logistique ! Nous n’avions pas projeté de base de vie sur un territoire quel qu’il soit depuis longtemps. Il a fallu dépoussiérer les pratiques, vérifier le matériel et s’assurer que le transport aérien fonctionnait à minima. Car si nous avons une base de vie en cours de déploiement à Mayotte, nous accueillons aussi les nouveaux arrivants – et les sortants – au sein d’une base arrière à La Réunion.
Sur place, la rotation est plus courte que d’habitude : les réservistes restent quinze jours à Mayotte. D’habitude, nous les projetons trois semaines sur place. Nous ne choisissons pas n’importe qui et nous précisons bien que les conditions d’activité et de vie sont très différentes. Ils sont logés dans une tente collective, avec un lit picot. Nous essayons d’aménager des conditions de vie optimale pour eux, afin qu’ils n’aient qu’à se concentrer sur leur mission. Pour cela, ils sont encadrés par des logisticiens et un référent par rotation, les équipes de la réserve au siège de Santé publique France sont d’astreintes 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Aussi, nous leur fournissons des rations alimentaires, comme à l’armée et une quantité d’eau suffisante.
Ces réservistes ne sont pas bénévoles, mais sont indemnisés sur la base d’un forfait, allant globalement, pour un médecin, entre 200 et 300 euros bruts par jour.
De quels soignants avez-vous besoin ?
P. S. : Ce qui est le plus demandé, ce sont les médecins et infirmiers urgentistes, puis ceux exerçant dans les spécialités relatives à la maternité et périnatalité : sages-femmes, gynécologues… Dans un second temps, nous avons besoin de chirurgiens, puis, enfin, nous devrions avoir rapidement besoin de réanimateurs, pour remplacer et renforcer les équipes sur place.
Que mettez-vous en place pour lutter contre les risques psychosociaux des réservistes ?
P. S. : Nous avons une psychologue réserviste, disponible quasiment 24 heures sur 24, au téléphone et par mail, qui répond à toutes les sollicitations. Elle participe également à tous les débriefings, pour repérer les cas qui auraient besoin d’être suivis à plus long terme. Enfin, un psychologue est parti sur la base de vie à Mayotte.
Que vous disent les médecins qui sont rentrés dans l’Hexagone ?
P. S. : Ils se sentent utiles. Cette expérience donne du sens à leur engagement. Ils ont la sensation de participer à quelque chose de grand.
Dr C. S. : J’aimerais saluer la mobilisation majeure des professionnels de santé en cette fin d’année. Il faudrait qu’elle ne diminue pas, car la situation à Mayotte ne va pas se résoudre en quelques jours. Nous aurons besoin d’aide dans les mois à venir.
Concernant la situation sanitaire à Mayotte, quels sont vos points de vigilances ?
Dr C. S. : À court et moyen terme, nous sommes vigilants vis-à-vis des risques infectieux, notamment liés aux maladies hydriques – typhoïde, hépatite A, gastroentérite – et aussi le choléra, qu’on surveille de très près, le dernier cas remontant à juillet dernier. Dans le mois à venir, le risque c’est aussi la leptospirose, une bactérie qui se trouve dans les urines de rongeurs infectés. On peut s’infecter lorsque des plaies cutanées vont être en contact avec de l’eau souillée par les urines de rougeurs, quand on déblaie sa maison par exemple. Un risque de surinfection existe également lorsque des plaies cutanées sont en contact des bactéries telluriques, qui se trouvent dans les boues tropicales.
L’autre risque que nous surveillons, c’est la bronchiolite des jeunes enfants : une épidémie commençait à démarrer un peu avant le cyclone. Du côté des arboviroses, elles circulaient faiblement, mais avec le brassage actuel des populations lié aux renforts et l’existence de gîtes larvaires, nous surveillons leur évolution de très près.
Emploi : l’industrie pharmaceutique opère sa transition numérique et environnementale
Personnes transgenres : le groupe de travail de la HAS de nouveau ciblé
À Marseille, un homme disperse les cendres d’un autre corps que celui de sa mère, après une erreur de l’institut médico-légal
Accueil du jeune enfant : la Cour des comptes recommande d’améliorer les congés maternel et parental