Guillaume Garot a arboré un sourire satisfait qui ne l’a pas quitté de la journée. Loin de l’Assemblée nationale et de ses terres mayennaises, le député socialiste était ce 9 avril en Occitanie, pour rendre visite à la présidente de région Carole Delga, fidèle soutien de son texte transpartisan sur les déserts médicaux introduisant une régulation à l’installation des médecins.
Amis de longue date – les deux socialistes siégeaient côte à côte dans l’Hémicycle pendant le mandat de François Hollande lorsqu’ils n’étaient pas au gouvernement – Guillaume Garot et Carole Delga ont sillonné le territoire occitan ensemble, afin de constater et saluer les initiatives régionales en faveur de l’accès aux soins, sous un temps grincheux, contrastant avec leur joie affichée.
Les jeunes iront voir ailleurs
Première étape de la tournée et du satisfecit : le centre de santé de Saint-Hilaire-de-Brethmas, circonscription du Gard, terre d’élection de l’ancien ministre de la Santé et désormais député Aurélien Rousseau. Créé en 2023 par la région, financé par l’Assurance-maladie et l’agence régionale de santé (ARS), ce centre compte quatre médecins généralistes dont trois à temps partiel, lesquels ont réalisé près de 7 400 consultations l’an passé, sur un total de 2 800 patients vus depuis son ouverture.
L’un des omnipraticiens, le Dr Charlie Nogrel, sorti de sa retraite pour y travailler en tant que salarié, n’est pourtant pas tout à fait aligné avec le duo de socialistes sur la régulation à l’installation. « Le problème est le nombre de médecins disponible sur le marché, déjà en pénurie. Il y a 40 ans, on se battait pour avoir des patients ! Si le texte est adopté, il faudra que ce principe de régulation soit inscrit dans le contrat avec les jeunes en fac de médecine. Sinon, ça ne marchera pas : ils iront ailleurs et ils auront raison ! », a-t-il confié au Quotidien en riant, tandis que, dans le même temps, Guillaume Garot vantait les mérites de sa PPL devant les journalistes locaux.

Hôpital à taille humaine
Un peu plus tard, au centre hospitalier d’Alès, la présidente de la région Carole Delga a montré à Guillaume Garot un hôpital où des lits sont ouverts et où de nouveaux médecins sont recrutés, grâce à la région, qui cofinance avec l’ARS des postes de chefs de cliniques territoriaux. Leur temps est partagé entre le CHU de Nîmes, le CH d’Alès et un travail de formation, rendant attractif l’exercice dans le public pour des jeunes praticiens sur ce territoire, dans le cadre d’un réseau de santé de 12 100 professionnels, au sein de quatre CPTS.
« Le CH d’Alès est familial, à taille humaine », a défendu le directeur général de l’ARS, Didier Jaffre. Ici, la moyenne d’âge des 162 ETP médecins est de 45 ans. « Mieux vaut payer des médecins de manière pérenne que des mercenaires qui ne portent pas de projet collectif », abonde le directeur de l’hôpital, Christian Cataldo, lui aussi louant les partenariats avec les acteurs locaux, dont la région.
100 médecins salariés recrutés en 3 ans
De fait, la présidente de région et ancienne secrétaire d’État de François Hollande se retrousse les manches sur la santé pour combler la pénurie. La santé n’étant pas dans les compétences de la collectivité, Carole Delga a reconnu profiter d’un « flou juridique ». En 2022, la région Occitanie a créé un groupement d’intérêt public (GIP), structure lui permettant de recruter des médecins et les salarier directement en centre de santé. Résultat, à date : 100 praticiens embauchés, ayant réalisé plus de 300 000 consultations dans les 22 centres de santé, répartis sur 13 départements, sans oublier 31 000 patients ayant trouvé un médecin traitant… Cinq nouveaux centres sont prévus pour 2025. « Une réponse très concrète, permettant de consolider le pacte républicain d’accès à la santé », a-t-elle insisté, enthousiaste, lors de la conférence de presse.
Et son vice-président chargé de la santé, le Dr Vincent Bounes, également urgentiste et directeur du Samu 31, d’ajouter qu’« aucune région n’a lancé un tel plan santé ». D’autant qu’à cela s’ajoutent la rénovation de maisons de santé libérales, un soutien financier à quatre hôpitaux publics et le développement de 17 options santé dans les lycées occitans afin de créer des vocations chez des adolescents de milieux ruraux ou défavorisés.
Région « pilote et exemplaire »
Autant d’initiatives qui font dire à Guillaume Garot qu’il s’agit d’une « région pilote et exemplaire, avec une action volontariste, cohérente et efficace, qui doit faire école partout dans le pays ».
Mais cette tournée locale flatteuse n’a pas empêché le député mayennais de défendre ses propres « solutions nouvelles contre les déserts médicaux », beaucoup plus directives, en raison de la mauvaise répartition des médecins sur le territoire. De quoi faire tiquer la présidente de la Conférence des doyens de médecine, la Pr Isabelle Laffont – présente en sa qualité de doyenne de la faculté de Montpellier – qui ne cache pas son hostilité à la régulation. Le contexte est à cet égard particulièrement lourd : sous l’impulsion des étudiants et jeunes médecins se profile une grève intersyndicale à partir du 28 avril et une manifestation nationale à Paris le 29 avril.
Quant au retour des gardes obligatoires pour l’ensemble des médecins libéraux et salariés (un autre article de la PPL Garot, pas encore voté), le député mayennais a justifié cette évolution nécessaire à ses yeux par « la charge très lourde qui pèse sur ceux qui assurent la PDS, qui demandent à mieux répartir cet effort ». En Occitanie, a précisé sa présidente, « la PDSA est inscrite dans le contrat des médecins salariés, à l’instar des visites à domicile », à hauteur d’une soirée de garde par mois, un week-end tous les six mois et 5 à 10 % de visites.
Droit dans ses bottes, Guillaume Garot s’apprête à reprendre la bataille autour de son texte les 6 et 7 mai à l’Assemblée nationale. Si le député vante sa démarche transpartisane, la tâche s’annonce ensuite très difficile au Sénat, où le groupe socialiste a fait savoir au Quotidien qu’il n’inscrirait pas le texte à l’ordre du jour dans les prochains mois.
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