Un verbe décapant, les agences de santé de l’Etat guère épargnées, des propositions iconoclastes, le rapport du comité d’orientation sur l’amélioration du dépistage du cancer du sein, commandé par Marisol Touraine, ne pratique pas la langue de bois. D’entrée de jeu, les auteurs mettent en avant la controverse qui agite les milieux scientifiques. Quel est son bénéfice réel sur la réduction de la mortalité liée au cancer du sein ? Quelle est son incidence sur le dépistage sur les surdiagnostics et les surtraitements ? A la lecture, les réponses ne sont pas simples. En tout état de cause et quelle que soit l’opinion de chacun, le rapport dresse un état des lieux de la bibliographie appelé à servir de référence depuis les années soixante jusqu’à aujourd’hui. Les études scientifiques de référence voisinent avec les livres ou articles destinés au grand public. Et permettent de suivre l’émergence du débat au fil du temps.
Au final, le rapport appelle les autorités sanitaires à se méfier du paternalisme médical en matière d’information auprès du grand public. Les Françaises sont prêtes à recevoir une information complète sur le sujet qui abandonnerait tout discours positif. Et présenterait aussi les zones d’ombre et d’incertitude. Deux scénarios sont proposés aux tutelles.
Cas par cas
Le premier renverse la table. Le programme de dépistage organisé est abandonné, « la pertinence d’une mammographie étant appréciée dans le cadre d’une relation médicale individualisée ». La décision serait prise au cours d’une consultation usuelle. La mammographie serait remboursée à 100 % en cas de prescription du médecin et du respect de certaines conditions (entre 50 et 74 ans, fréquence de l’examen tous les deux ans). Au-delà, elle ne serait plus prise en charge par la collectivité. Cette suggestion repose sur le fait que les résultats obtenus n’ont pas été à la hauteur des promesses faites avant le lancement du programme. La décision ou non de recourir à la mammographie s’inscrirait dans la création d’une consultation de prévention et d’évaluation des risques à 40 ans. Ce nouveau dispositif génère toutefois un certain nombre d’inconvénients. Le risque majeur serait l’accroissement des inégalités de santé. Les femmes consultant peu le milieu médical ne seraient plus touchées par les campagnes d’informations. Avec pour conséquence d’augmenter le nombre de cancers diagnostiqués à un stade tardif.
Nouveau dépistage remanié
Dans le second scénario, le dépistage organisé disparaitrait et serait remplacé par la mise en place d’un nouveau dépistage profondément remanié. Il intégrerait entre autres l’incertitude autour de la balance bénéfice/risque de l’examen. Les modalités d’entrée dans le programme seraient multipliées avec l’intégration du médecin traitant, du gynécologue et/ou de la sage- femme. Les mammographies de dépistage réalisées à titre individuel seraient intégrées dans le programme si les conditions de réalisation respectent certains critères comme la double lecture, les données remontées aux structures de gestion. La multiplication des examens prescrits en dehors des recommandations constitue le principal danger.
Autant de préconisations politiquement incorrectes qui ne devraient pas produire d’annonces spectaculaires par les pouvoirs publics.
La Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR) a rapidement réagi. Elle rejette le premier scénario « qui serait un retour en arrière préjudiciable à la santé des femmes et générateur d’iniquités et de pertes de chance ». La FNMR soutient plutôt le renforcement de moyens déjà mis en œuvre. Et propose l’extension systématique de la seconde lecture en cas de bilan négatif. Le contrôle qualité serait étendu à la tomosynthèse et aux échographes. A suivre.
Encadré L’imagerie du cancer
En dépit de ses imperfections, la mammographie demeure toujours l’examen de référence. Selon certains spécialistes elle serait toutefois à l’origine de faux-positif, à savoir un examen jugé potentiellement annonciateur d’un cancer qui en fait n’existe pas. De plus, cette technique serait également à l’origine de cancers radio-induits et de décès par cancer estimé entre 1 et 7 pour 100 000 femmes suivies pendant 25 ans, soit 1/100ème des décès évités par la technique.
L’échographie, examen bénin, est aussi accusée d’être à l’origine de faux-positifs supérieur au bénéfice de l’augmentation du nombre de cancers détectés. L’intérêt de l’examen doit encore être évalué.
D’autres techniques sont en cours de développement ou font l’objet de controverses.
L’IRM mammaire est actuellement recommandée pour des femmes à plus haut niveau de risque. Elle est prescrite en cas d’antécédent d’irradiation thoracique médicale à haute dose, comme dans la maladie de Hodgkin, de prédisposition génétique avérée (notamment mutation des gènes BRCA 1 et 2) ou d’antécédent familial avec cancer du sein. Elle n’est pas préconisée en première intention du fait du nombre important de faux-positifs.
L’espoir repose donc sur la tomosynthèse, technique d’imagerie 3D. Grâce à la précision de la technologie, l’association à d’autres examens de type échographie ne serait plus nécessaire. Facteur toutefois limitant, elle expose à deux fois plus de radiations qu’une technique de mammographies.
Enfin, d’autres techniques sont moins avancées mais dotées d’un fort potentiel. L’élastographie réduirait le nombre de biopsies. A plus long terme, sont attendus l’imagerie optique, infrarouge.
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