Début octobre, l’Assemblée nationale avait voté en première lecture une proposition de loi visant à allonger le délai d’accès légal à l’IVG instrumentale de 12 à 14 semaines de grossesse (14 à 16 semaines d'aménorrhée).
Même si le texte a été soutenu et voté par une partie des députés de la majorité, le gouvernement avait été gêné aux entournures, n’ayant pas prévu que le débat intervienne aussi tôt. Olivier Véran avait donc saisi le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) afin qu’il rende un avis sur la question, avant le passage du texte devant le Sénat.
Pas d'objection éthique
Ce vendredi, le CCNE a donc rendu sa copie. Il précise en préambule qu’il y répond « à une question de délai d’accès à l’IVG et non à une question de principe quant à l’avortement », reconnaissant que « le débat moral posé par le principe même de l’IVG, suscite encore de vives réactions au sein de la société ».
En 2019, 232 244 IVG ont été réalisées en France, rappelle le CCNE et celles effectuées durant les deux dernières semaines du délai légal correspondent à 5,3 % de l’ensemble des IVG. Il estime qu’en 2018, entre 1 500 et 2 000 femmes se sont rendues aux Pays-Bas, Royaume-Uni ou en Espagne pour des IVG après le délai légal de 12 semaines en France.
« Doit-on continuer à ne rien proposer en France pour les femmes qui partent à l’étranger ? » , s’interroge le CCNE. Pour rendre son avis, le comité d’éthique se base sur les données publiées sur les risques concernant les IVG. Il explique qu’il n’existe que « peu, voire pas de différence » entre 12 et 14 semaines de grossesse, et que par ailleurs, les complications graves sont très rares. Le comité souligne que ces interruptions de grossesse devront être réalisées par « des médecins correctement formés et qui acceptent de le faire » et considère « qu’il n’y a pas d’objection éthique à allonger le délai d’accès à l’IVG de deux semaines ».
Le CCNE prend ainsi le contre-pied de l’Académie de médecine qui s’était opposée à cette mesure.
Pour un maintien de la clause de conscience
Lors d’un point presse, la Dr Alexandra Benachi, gynécologue-obstétricienne et co-rapporteure de l’avis, a souligné qu’il n’était « pas bienveillant de laisser ces femmes en grande difficulté chercher de l'argent et un moyen de partir à l’étranger ». Toutefois, dans son avis, le CCNE considère également que beaucoup peut encore être fait pour faire appliquer les lois en vigueur et améliorer la prise en charge et l’accès des femmes à l’IVG et qu’une réforme législative ne doit pas servir à pallier ces lacunes. « Oui, on peut repousser le délai, mais il faut absolument mettre en place certaines mesures pour améliorer la prise en charge le plus tôt possible » des femmes qui souhaitent avorter, a résumé Mme Benachi.
Le CCNE souligne notamment dans son avis « de fortes disparités territoriales dans l’accès à l’IVG, liées en particulier à la diminution du nombre d’établissements de santé la pratiquant ». Il appelle à un déploiement plus important de moyens notamment pour les structures réalisant les IVG afin qu’elles puissent recevoir les patientes en urgence quand elles s’approchent du terme limite. Il appuie aussi pour des mesures pour la prise en charge de la contraception des 19-25 ans et note un déficit d’information sur l’IVG, « en particulier en milieu scolaire ». Il demande aussi des sanctions à l’encontre des structures et de soins ou professionnels de santé qui ne respectent pas la loi et contre les délits d’entrave à l’IVG.
Néanmoins, contrairement à ce qui a été validé dans la loi par les députés, le CCNE se prononce en faveur du maintien de la clause de conscience spécifique à l’IVG, car il ne peut pas être considéré « comme un acte médical ordinaire ». « On ne peut pas forcer un médecin ou une sage-femme à pratiquer un geste qu'il ne veut pas faire, car cela entraînerait probablement une prise en charge dégradée pour la patiente », ajoute Mme Benachi.
Le Sénat doit à son tour examiner la proposition de loi le 20 janvier.
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